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meilleurs, peuvent en être d’abord les victimes ; la vérité n’en est pas moins que, par derrière, par-dessus, grandit toujours, grandit de plus en plus, à mesure que l’industrie se développe ou plutôt se concentre, « le mythe de la classe ouvrière, » et « la lutte des classes » s’organise.


III

De ce moment, à partir de 1864 jusqu’à nos jours, les têtes de chapitre de l’ouvrage de M. Georges Weill, Histoire du mouvement social en France, marquent suffisamment les étapes. Ce sont : le Réveil de la classe ouvrière ; — le Mouvement d’association ; — l’Internationale ; — le Mouvement révolutionnaire ; — le Mouvement syndical ; — le Collectivisme ; — Républicains et socialistes ; — Socialistes et anarchistes ; — le Socialisme parlementaire ; — le Conflit socialiste (l’Unité ou l’Unification) ; — Socialisme et Syndicalisme ; sur quoi s’arrête cet ouvrage, qui sera à continuer. Quant à nous, qui nous sommes proposé plus spécialement ici l’étude de « l’espèce, » de « la classe ouvrière, » nous n’avons même pas à le suivre aussi loin. Dès que « l’espèce » est fixée, dès que « la classe » s’est dégagée, s’est affirmée, s’est posée en opposition avec les autres classes, ou, si l’on veut, dès que s’est formé « le mythe de la classe ouvrière, » c’est fini, tant qu’à nouveau cela ne change pas, tant que cela ne fait que se développer dans le même sens, et, à partir de 1864, cela s’est développé sans cesse, mais cela n’a changé ni d’intention ni de direction.


Considérant, disait le « Pacte inaugural » de l’Association internationale des travailleurs, conclu au Saint-Martin’s Hall de Londres, le 28 septembre 1864, considérant que l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ; que les efforts des travailleurs pour conquérir leur émancipation ne doivent pas tendre à constituer de nouveaux privilèges, mais à établir pour tous des droits et des devoirs égaux, et anéantir la domination de toute classe ;

Que l’assujettissement économique du travailleur aux détenteurs des moyens de travail, c’est-à-dire des sources de la vie, est la cause première de sa servitude politique, morale et matérielle ;

Que l’émancipation économique des travailleurs est par conséquent le grand but auquel tout mouvement politique doit être subordonné comme moyen ;

Que tous les efforts faits jusqu’ici ont échoué faute de solidarité entre