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point de se déclarer la guerre, les autres se précipiteront entre elles pour les empêcher de la faire et, s’il le faut, useront pour cela de la force. Ce sera, s’il se produit jamais, un spectacle bien nouveau ; mais, pour qu’il se produise, encore faudra-t-il pouvoir opposer la force à la force, et c’est une nouvelle raison d’armer. La vérité historique est que, lorsqu’une guerre éclate, les Puissances neutres se tiennent sur le qui-vive, prêtes à profiter du désastre d’autrui, ou à empêcher que sa victoire ne leur porte préjudice. Qu’avons-nous vu en Orient ? Toutes les grandes Puissances désiraient le maintien de la paix et l’ont conseillé, mais pas une seule d’entre elles n’a songé à l’imposer des passions étaient violentes, a dit sir Edward Grey ; les forces latentes en jeu étaient terribles ; seule l’intervention d’une grande Puissance eût pu empêcher le conflit ; mais un recours à la guerre pour maintenir la paix aurait été une entreprise hasardeuse. » Et il en sera sans doute toujours ainsi. La guerre des Balkans a donc eu lieu, elle a produit les résultats que l’on sait. Dans une seconde période, la Roumanie est intervenue, sans doute pour l’empêcher de recommencer et de s’étendre davantage, mais aussi pour s’emparer du lot qui lui permettrait de rétablir l’équilibre entre elle et la Bulgarie. Et l’Autriche, si elle n’est pas intervenue, a toujours menacé de le faire et s’est mise en mesure de réaliser sa menace jusqu’à ce qu’elle ait obtenu tout ce qu’elle exigeait pour la garantie de ses intérêts. Voilà l’histoire d’hier ; ce sera aussi l’histoire à venir, jusqu’à l’époque incertaine, nébuleuse, que sir Ed. Grey a entrevue comme une hypothèse possible et lointaine, non pas comme une réalité probable et prochaine. Aussi sa conclusion a-t-elle été que l’Angleterre devait continuer ses armemens. Il fallait s’attendre à ce que son discours eût de l’écho en Allemagne et, en effet, la réponse ne s’y est pas fait attendre. Le surlendemain, une discussion sur la politique navale de l’Empire ayant eu lieu au Reichstag, l’amiral de Tirpitz, ministre de la Marine, et M. de Jagow, ministre des Affaires étrangères, en ont profité pour faire connaître les vues de leur gouvernement. Elles n’ont pas changé. On a beaucoup parlé, dans des discours, en Angleterre, de « vacances navales » qu’on pourrait se donner ou d’autres projets du même genre qui consisteraient à suspendre ou à ralentir les armemens ; mais les ministres allemands ont déclaré n’avoir reçu dans ce sens aucune proposition officielle. Ce n’est pas, en effet, en public, dans un banquet ou même à la Chambre des Communes, que l’on fait des propositions de ce genre à l’adresse d’un gouvernement étranger. Au surplus, l’amiral de Tirpitz