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donnée aux inspecteurs d’académie ou aux recteurs. Finalement on l’a donnée aux recteurs et on a bien fait. Le recteur est plus loin, plus haut ; il échappe davantage aux petites influences locales ; il est plus indépendant. Nous n’avons pourtant pas l’illusion de croire que cette indépendance sera absolue ; le plus souvent le recteur se contentera de ratifier les choix qui lui seront proposés par l’inspecteur d’académie, et l’inspecteur d’académie de ratifier ceux qui auront prévalu dans le Comité consultatif. Dans son fonctionnement, l’institution ne sera pas parfaite. M. Viviani a eu beau jeu à en montrer les défauts ; il a prévu des conflits ; il a fait intervenir le préfet comme un arbitre idéal. Malheureusement, le préfet réel, le seul que nous connaissions, celui que nous avons vu à l’œuvre dans les élections dernières et qui s’apprête à « faire » les élections prochaines, n’est pas autre chose que le premier des agens électoraux du candidat officiel. C’est là son vrai caractère. On comprend dès lors combien il serait imprudent, dangereux, redoutable, de laisser entre ses mains toute l’armée des instituteurs. Les meilleurs de ceux-ci, ceux qui remplissent le mieux leur devoir scolaire, mais qui entendent conserver en dehors de l’école leur liberté et leur dignité, souffraient d’une situation qui, dans certains cas, était devenue intolérable, et de là est venu le sentiment général qui a fini par s’imposer. Il faut même que ce sentiment ait été très fort pour qu’il se soit imposé à la Chambre, car enfin la majorité des députés qui ont voté la réforme sont eux-mêmes les produits de la candidature officielle. Ont-ils obéi à un calcul dont nous ne connaissons pas tous les termes ? Ont-ils craint de mécontenter les instituteurs ? Ont-ils eu plus simplement un de ces bons mouvemens qui échappent quelquefois, même à ceux qui en paraissent le moins capables ? Laissons-leur le bénéfice du doute. Quoi qu’il en soit, le lien qui rattachait et qui soumettait étroitement les instituteurs aux préfets a été tranché par la Chambre. Reste le Sénat dont il est difficile de prévoir les dispositions. Il est pourtant à croire qu’en présence d’une majorité aussi forte que celle qui s’est produite à la Chambre, le Sénat ratifiera. Mais sera-ce avant ou après les élections ? On ne peut évidemment pas compter sur le gouvernement pour conseiller au Sénat une célérité qui n’est pas dans ses habitudes. Sur cette réforme que les circonstances ont rendue nécessaire, le dernier mot n’est peut-être pas encore dit.

Cependant les élections approchent : dans six semaines, la législature sera officiellement close. Le ministère aura atteint son but, il n’aura rien fait, il aura empêché les Chambres de faire quelque chose.