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REFLETS DANS L’EAU


Étendue au seuil du bassin,
Dans l’eau plus froide que le sein
Des vierges sages,
J’ai reflété mon vague ennui,
Mes yeux profonds couleur de nuit
Et mon visage.

Autour de moi dansaient, légers
A travers les blonds orangers,
De vains atomes…
Mes doigts souples demeuraient joints :
Il me semblait venir de loin,
Comme un fantôme !

Or, dans ce miroir incertain,
J’ai vu de merveilleux matins…
J’ai vu des choses
Pâles comme des souvenirs,
Dans l’eau que ne saurait ternir
Nul vent morose.

Alors — au fond du Passé bleu —
Mon corps mince n’était qu’un peu
D’ombre mouvante ;
Sous les lauriers et les cyprès,
J’aimais la brise au souffle frais
Qui vous évente…

J’aimais vos caresses de sœur,
Vos nuances, votre douceur,
Aube opportune ;
Et votre pas souple et rythmé,
Nymphes au rire parfumé,
Au teint de lune ;

Et le galop des aegypans,
Et la fontaine qui s’épand