Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 19.djvu/872

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui vient, confiante, se préparer aux devoirs de l’avenir. L’école se tient au cœur de la cité, comme un symbole. Quand on passe près du grand bâtiment où sept cents écoliers bourdonnent, et qu’on prête l’oreille aux bruits qui sortent à travers les persiennes demi-closes, on recueille avec avidité « ces voix de l’espérance. » D’une fenêtre, on entend un maître qui dit : « Ce n’est pas ainsi qu’on écrit les t ! » De la fenêtre voisine sort la donnée d’un problème : « Un marchand a acheté 50 mètres d’étoffe, et les a revendus à raison de 6 francs le mètre… » Plus loin, c’est comme un pépiement d’oiseaux : le professeur est sorti. Il y a des instans de grand silence, où l’on dirait que tout l’édifice est vide ; puis l’éclat de rire sonore d’une classe en gaîté rompt le charme. Battemens de pieds, casiers qui se ferment, rumeur qui se propage depuis le bas jusqu’en haut de la maison : le surveillant est venu annoncer le finis. « Comme tout cela est beau ! et quelle immense promesse pour le monde ! »

Dans une page d’une belle envolée, où l’on voudrait peut-être moins d’emphase, mais où il est difficile de souhaiter plus de grandeur, De Amicis a écrit l’épopée de l’écolier. « Pense, quand tu sors le matin, qu’en ce moment même, dans ta ville, 30 000 autres écoliers vont s’enfermer comme toi dans une classe pour étudier. Mais quoi ? Pense aux enfans innombrables qui à peu près à cette heure vont à l’école dans tous les pays ; vois-les en imagination, qui s’en vont, à travers les ruelles des villages paisibles, à travers les rues des cités bruyantes, le long des rivages des mers et des lacs, ici sous un soleil ardent, ailleurs au milieu des brouillards, en barque dans les pays coupés de canaux, à cheval dans les plaines immenses, en traîneau sur les neiges, par monts et par vaux, traversant bois et torrens, sur les hauteurs, dans les sentiers de la montagne, deux à deux, en groupes, en longues files, tous avec leurs livres sous le bras, vêtus de mille manières, s’exprimant en mille langues, depuis les plus lointaines écoles de la Russie, presque perdues parmi les glaces, jusqu’aux écoles les plus lointaines de l’Arabie, ombragées de palmiers, par millions et par millions, tous pour apprendre sous cent formes diverses les mêmes choses ; imagine ce vaste fourmillement des enfans de cent peuples, ce mouvement immense dont tu fais partie, et pense : Si ce mouvement cessait, l’humanité retomberait dans la barbarie ; ce mouvement est le progrès, l’espérance, la gloire du monde. Courage