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au nouveau régime. Des tribunaux français donnant beaucoup plus de garanties que les justices consulaires ont été ouverts. S’il ne s’agissait que de garantir les intérêts de leurs nationaux, toutes les puissances renonceraient sans délai à ces juridictions. Mais quelques-unes y voient peut-être encore un objet d’échange. D’autres prennent l’avis de leurs agens locaux et on se doute de ce que doivent être des réponses conçues dans l’ambiance de leurs petites colonies où tant de gens déplorent, pour des raisons beaucoup moins touchantes que le regret anticipé de la couleur locale, la fin de leur « bon vieux Maroc. » Si nos codes et nos tribunaux sont la condition nécessaire de la suppression de l’exterritorialité des étrangers, il ne dépend pas de nous seuls qu’ils en soient la condition suffisante : sauf dans notre traité avec l’Espagne, nous n’avons pas de texte à invoquer pour réclamer l’abolition des tribunaux consulaires, moyennant des conditions et dans un délai déterminés. Nous ne pouvons que solliciter une mesure de bonne foi et nous avons fait ce qu’il fallait pour qu’on ne pût nous la refuser longtemps.

De même aucun traité, sauf l’accord franco-allemand de 1914, et avec l’imprécision qui caractérise plusieurs de ses articles, ne nous promet l’abrogation de la protection. Mais, ici encore, nous ne laisserons bientôt aucune raison d’être à une institution née du désordre marocain et qui doit mourir avec lui : la réforme de la justice des cadis est commencée. De plus, si nous ne pouvons immédiatement en finir avec l’existence même de la protection, nous sommes armés pour en restreindre les abus qui portaient à la fois sur les prérogatives des protégés et sur leur nombre. Les textes de 1869 et 1880 limitaient très strictement les unes et l’autre. Honnêtement appliqués, ils auraient réduit la protection à bien peu de chose. Ils n’autorisaient sans doute pas le dixième du nombre des protégés que le régime français a trouvés au Maroc. Nous avons commencé à en exiger l’application, ce dont était incapable l’ancien Makhzen. Les protégés doivent maintenant payer l’impôt comme d’ailleurs les étrangers eux-mêmes. La prime à la protection diminue de ce chef en même temps qu’un milieu administratif plus probe et aussi plus ferme la réduit de toutes manières. D’autre part, conformément à la Convention de Madrid, on procède, d’accord avec la plupart des puissances, à la révision des listes de protégés,