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l’impôt sur le capital. Ils les soutiendront parce que le gouvernement leur dira de le faire. Ils les soutiendraient d’ailleurs, même contre ses instructions, parce que préfets et sous-préfets, — nous aimons mieux ne pas parler des autres, — sont personnellement dévoués à la politique radicale-socialiste et attachent à son succès l’avenir de leur carrière. M. Barthou le sait aussi bien que nous ; il n’ignore pas qu’il n’a rien à attendre de bon de l’intervention du gouvernement dans les élections prochaines ; il a eu néanmoins raison de parler comme il l’a fait, parce qu’en le faisant il a préparé les griefs du parti républicain national contre le parti qui est aujourd’hui au pouvoir et que les mots qu’il a prononces serviront à préparer aussi le jugement du pays.

Notre conclusion sera toujours la même : c’est que, dans l’état actuel des choses, le pays ne doit compter que sur lui-même ; mais il a besoin d’être éclairé, encouragé, soutenu, et puisque le gouvernement ne remplit pas et ne peut pas remplir son devoir, que des hommes de volonté plus libre et de situation plus indépendante le suppléent. C’est à cela que sert le groupement qui s’est formé autour de M. Briand, de M. Barthou de M. Millerand, etc. ; sous la dénomination de Fédération des gauches. Il se compose d’hommes qui ont tous de l’expérience et dont la plupart ont du talent. Qu’ils parlent : le pays les entendra. C’est à lui qu’il faut s’adresser directement, car la législature est virtuellement close, et la tribune a provisoirement perdu de son importance. MM. Briand et Barthou, chacun à sa manière, ont donné l’exemple : que d’autres le suivent. La campagne s’ouvre et elle commence dans une grande confusion. L’opinion a besoin d’un guide. Les partis socialistes et radicaux s’apprêtent à jouer ce rôle : M. Barthou les y a devancés.


Il convient toutefois de prendre acte, vaille que vaille, de l’affirmation du gouvernement qu’il appliquera fidèlement la loi de trois ans, parce qu’elle est la loi. Elle est la loi, c’est en effet un motif de l’appliquer, mais il y en a d’autres et, si on y a fermé les yeux dans l’opposition, il est difficile de ne pas les y ouvrir au gouvernement. « Je sais trop, a dit M. Barthou, quelles sont les responsabilités du pouvoir pour m’en étonner. Quand on a sous les yeux les rapports des ambassadeurs, des attachés militaires, de l’état-major général, le devoir prend une évidence impérieuse à laquelle on ne peut se soustraire sans trahir les intérêts supérieurs du pays. » Il est donc naturel que des conversions se produisent, quand on passe de l’opposition au ministère. Mais il n’est même pas nécessaire d’être ministre pour sa rendre compte de