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beaucoup plus accentué sous le souffle violent des tempêtes électorales.

Un Congrès socialiste vient de se réunir à Amiens en vue de déterminer quelle sera l’attitude et la conduite du parti aux élections prochaines  : on voit déjà, d’après ses débats, que la suppression de la loi de trois ans sera la plate-forme électorale des socialistes et on peut prévoir qu’elle sera aussi celle des radicaux. Cette question domine, supprime toutes les autres. Avant qu’elle fût posée, les socialistes unifiés et les radicaux étaient profondément divisés sur la loi électorale : les premiers étaient les partisans ardens de la représentation proportionnelle, les seconds en étaient les adversaires non moins résolus. Une coalition électorale était difficile, impossible même, entre deux partis qui, sur une question aussi importante, étaient aux antipodes l’un de l’autre. Mais aujourd’hui, plus de division : socialistes et radicaux fraternisent dans leur haine commune contre la loi de trois ans : la soudure s’est faite entre eux ; au second tour de scrutin, ils marcheront, la main dans la main. La situation actuelle se caractérise par les deux traits suivans : offensive électorale prise contre la loi militaire par deux partis puissans et, — à supposer que le gouvernement veuille vraiment défendre cette loi, — diminution pour le faire utilement de son autorité et de sa liberté : de son autorité, parce qu’il est divisé et que son opinion reste flottante et molle ; de sa liberté, parce qu’il s’appuie sur un parti qui a juré de détruire la loi militaire et qu’il ne peut rien sans ce parti. Ce n’est pas sans douleur que nous faisons ces constatations. Il est pénible, il est cruel de penser qu’une loi à laquelle les destinées du pays sont attachées est sur le point de devenir l’enjeu des luttes électorales. Depuis quelque temps déjà, ce danger se dessinait avec une clarté inquiétante, mais sous le ministère Barthou nous pouvions compter et nous comptions que le gouvernement y ferait énergiquement contrepoids, et lui seul pouvait le faire : sous le ministère Doumergue cette espérance s’évanouit. Tel est le mal que fait ce ministère, en dépit de la bonne volonté de quelques-uns de ses membres, car nous ne les confondons pas tous dans le même jugement : mais la bonne volonté de quelques-uns s’annihile dans l’impuissance de tous.

Un pareil danger ne pouvait pas échapper à M. Barthou, l’initiateur de la loi de trois ans : aussi a-t-il adressé au gouvernement un appel pressant, qui sera peut-être entendu, mais qui, pour les motifs que nous venons d’indiquer, a beaucoup moins de chances d’être suivi. « Deux thèses, a-t-il dit, s’opposeront devant le suffrage