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REFORME ELECTORALE. Hoc signo vinces. » Aussitôt, il avait organisé une première série de banquets, suivis d’un grand pétitionnement, qui recueillit 240 000 signatures : chiffre fatidique, précisément le même que celui des électeurs. Mais, malgré cette initiative, malgré les efforts réunis d’Arago et de Garnier-Pagès, la Chambre fit la sourde oreille. Il fallut revenir aux banquets, qu’on multiplia. Le signal part encore du National, dont le directeur, Thomas, préside la table. Banquet le 2 juin et le 1er juillet ; banquet dans le XIIe arrondissement, prédestiné, lui aussi, puisque c’est de là que sortira la révolution en 1848, et banquet à Belleville, mais celui-ci dérivé vers le communisme, notamment par l’allocution de Simard, et qui met un peu à l’épreuve la correction bourgeoise, quoique libérale et républicaine, des hommes du National. Il fait plus : il achève de mettre le gouvernement en défiance. Un nouveau banquet se préparait à Saint-Mandé : on l’interdit. Ce fut pour y pousser les gens, car il se tint quand même un peu plus tard, dans la plaine de Châtillon, sous la présidence de Recurt, un médecin du faubourg Saint-Antoine, un vétéran des luttes républicaines. 6 000 convives s’y assirent, et naturellement manifestèrent. La province imita : Poitiers, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Metz, Limoges, Moulins, Lille, Rouen, Marseille, Tours, Dijon, La Châtre, Auxerre, Grenoble, bien d’autres villes encore, successivement banquetèrent.

Seulement, en 1840, les soucis de la question d’Orient et les bruits de guerre, éclatant soudain, firent oublier tout le reste. Le problème, le double problème de la réforme politique et de la réforme sociale ne s’en trouva pas moins posé devant l’opinion. Le National et la Réforme, fondée, pourrait-on dire, tout exprès, sous ce titre et à cet effet, veillèrent à l’envi, entre 1840 et 1847, à ce que l’action ne fût pas périmée. En 1847, enfin, la campagne reprit, toutes oppositions jointes, de la gauche dynastique, libérale et constitutionnelle à l’extrême gauche révolutionnaire, d’Odilon Barrot à Ledru-Rollin, mais, à partir des banquets de Lille, de Dijon, de Chalon-sur-Saône, avec une direction de plus en plus nette et un cours de plus en plus rapide, jusqu’à ce que, par l’obstination des uns autant que par l’ardeur et l’audace des autres, le régime lui-même fût emporté. C’est une histoire trop souvent écrite, trop connue, pour qu’il y ait quelque intérêt à insister. Ce qu’étaient ces