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N’en détachons plus que trois ou quatre traits. Comme « cet autre disciple de Rousseau, feu Maximilien Robespierre, je crois que cet homoncule voudrait faire couper chaque tête qui surpasse la mesure prescrite par la loi, bien entendu dans l’intérêt du salut public, de l’égalité universelle, du bonheur social du peuple… » Sévère et sobre pour lui-même, « refusant toute jouissance à son propre petit corps, et voulant donc introduire dans l’État une égalité générale de cuisine, » M. Louis Blanc est « un bizarre composé de Lilliputien et de Spartiate. » Il a pourtant sa coquetterie, ses prétentions et sa faiblesse, qui est de soigner infiniment sa popularité : « il la frotte, la tond, la frise, la dresse et la redresse, et il courtise le moindre bambin de journaliste. » Dans tous les cas, il semble qu’il ait un grand avenir, « et il jouera un rôle, ne fût-ce qu’un rôle éphémère. Il est fait pour être le grand homme des petits qui sont à même d’en porter un pareil avec facilité sur leurs épaules. » À s’en tenir au présent, « son nouveau livre est parfaitement écrit, dit-on… Les républicains s’en régalent avec délices ; la misère, la petitesse de la bourgeoisie régnante qu’ils veulent renverser, y est mise à nu de la façon la plus amusante. »

Portrait ou caricature ; il faudrait, pour être juste, éclairer de l’autre côté cette figure intéressante. Le vrai, et qui demeure vrai, c’est que Louis Blanc va jouer un rôle et s’y prépare, aussitôt que, dans son opuscule, l’Organisation du travail, il a trouvé sa formule d’action, qu’on m’excusera de reproduire encore parce qu’elle est la formule même de l’action politique et sociale pendant les huit années de 1840 à 1848 :


Pour donner à la réforme politique de nombreux adhérens parmi le peuple, il est indispensable de lui montrer le rapport qui existe entre l’amélioration, soit morale, soit matérielle de son sort, et un changement de pouvoir… S’il est nécessaire de s’occuper d’une réforme sociale, il ne l’est pas moins de pousser à une réforme politique. Car, si la première est le but, la seconde est le moyen. Il ne suffit pas de découvrir des procédés scientifiques, propres à inaugurer le principe d’association et à organiser le travail suivant les règles de la raison, de la justice, de l’humanité, il faut se mettre en état de réaliser le principe qu’on adopte et de féconder les procédés fournis par l’étude. Or le pouvoir… s’appuie sur des Chambres, sur des tribunaux, sur des soldats, sur la triple puissance des lois, des arrêts et des baïonnettes. Ne pas le prendre pour instrument, c’est le rencontrer comme obstacle.


Ainsi la réforme sociale rejoint la réforme politique ; ainsi