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il se reposera tout à fait. Le cardinal de Richelieu s’est fait peindre debout sur le globe avec cette inscription :

Hoc stante cuncta moventur.

« Et une main hardie écrivit sous cette modeste inscription :

Ergo cadente omnia quiescunt.

« La conclusion, continue de Maistre, n’était pas juste et, de nos jours, elle le serait beaucoup moins : la chute arrivait trop vite. »

Mais il reconnaît qu’en attendant cette chute tant désirée par lui, le mariage autrichien fait par « l’Ennemi de l’Ordre » semble lui donner beaucoup de consistance. » Lorsqu’il apprend la grossesse de Marie-Louise, ne pouvant cacher son dépit, il s’exprime en ces termes un peu hautains : « Voilà sa compagne enceinte. Elle est heureuse et amoureuse. De tous les spectacles qui me déchirent depuis vingt ans, c’est le plus triste à mon avis ! Eh quoi ! le Corse audacieux fonderait, malgré ses prédictions sinistres, une dynastie ? » Si cette nouvelle souveraineté devait durer un certain nombre d’années, lui, de Maistre ne pourrait léguer à ses enfans « que l’espérance de la voir tomber ! »

Mais les nouvelles mauvaises, venues d’Espagne, lui rendent quelque confiance et lui font dire que la puissance formidable de Napoléon tient vraiment à peu de chose. On s’agite dans l’ombre, on complote contre le tyran. Il entend un ministre étranger, sujet de Napoléon, s’écrier devant lui : « Il n’y a plus d’autre remède que de le faire enfermer comme fou ! » À quoi il répond : « Enfermer, c’est une pure illusion. On ne met la main sur un tel personnage que pour le tuer, tout au plus tard, le lendemain. »

Voilà où en arrivaient les adversaires de Napoléon ! Ne pouvant le saisir, ils songeaient, les uns, à l’enfermer, les autres à le tuer. Le ministre sarde persiste à vouloir ne pas le considérer comme le chef d’une race. Il reconnaît que beaucoup de monarques légitimes envient sa puissance, « mais, dit-il dédaigneusement, c’est comme s’ils avaient envié la force physique d’un portefaix ! Celle de Napoléon n’est pas du tout royale. Elle est révolutionnaire, et c’est pourquoi les princes qui, par état et par nature, sont étrangers à cette force, ne doivent pas se compromettre avec elle. »