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JOSEPH DE MAISTRE
ET
NAPOLÉON


La récente publication d’un Mémoire inédit du comte Joseph de Maistre par le lieutenant-colonel Ferrari, chef de la section historique de l’état-major italien[1], mémoire que je compte mettre à profit et dont j’aurai à souligner l’importance, a rappelé mon attention sur les divers jugemens que l’illustre écrivain savoyard avait portés au cours de sa carrière diplomatique sur Napoléon. Je les ai tous relus avec l’attention qu’ils méritaient et j’ai cru qu’en les résumant et en les appréciant à leur réelle valeur, je pourrais présenter au lecteur une étude qui aurait un intérêt et un attrait particuliers.

A peine Bonaparte signalait-il sa marche en Italie par des victoires prodigieuses que Joseph de Maistre, qui ne le connaissait pas et qui ne pensait certainement pas à lui, écrivait dans ses Considérations sur la France : « Lorsque la Providence a décrété la formation plus rapide d’une Constitution politique, il paraît un homme revêtu d’une puissance indéfinissable : il parle et se fait obéir. » Dans la Révolution française l’écrivain philosophe entrevoyait quelque chose de prodigieux, de gigantesque, d’inouï qui aurait son contre-coup dans l’Europe entière. Prévoyant, avec Catherine II, l’apparition moderne d’un être génial, sorti comme d’un volcan, il étudiait les succès étonnans de cette Révolution

  1. Una lettere inedite del conte Giuseppe de Maistre ; Cità di Castello, 1912, in.-8.