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point s’exposer à voir cette fille chez elle ; qu’il est dangereux de tenter Dieu ; qu’il ne faut qu’un malheur ; et que, pendant qu’un de ces hommes serait pris pour dupe, l’autre maudirait le jour et l’heure d’un si ridicule accouplement.


2 novembre 1679.

Il me dit qu’il y a un lui qui m’adore, un autre lui qui m’étrangle, et qu’ils se battaient tous deux l’autre jour à outrance dans le mail des Rochers.


C’était la marquise qui l’emportait. Charles de Sévigné renonçait à son amour et, neuf années plus tard, marié lui-même, nous le verrons faire le voyage de la Basse-Bretagne pour assister aux noces de Mlle de La Coste. Mais il sort de cette affaire orienté vers un nouveau but, vers le mariage avec une femme supérieure : « l’exemple de toutes les femmes, une sainte. » Il ne voulait plus entendre parler des Ninon, des comédiennes. Déjà, au milieu de sa folle jeunesse, il avait connu de ces brusques reviremens, des lassitudes subites, des sécheresses imprévues, où tout ce dont il s’engouait le plus lui parut fastidieux, vulgaire.


17 avril 1671.

Il lui avait pris un dégoût de tout cela qui loi faisait bondir le cœur ; il n’osait y penser ; il avait envie de vomir. Il lui semblait toujours voir autour de lui des panérées de baisers… des panérées de toutes sortes de choses en telle abondance qu’il en avait l’imagination frappée et ne pouvait pas regarder une femme.


Cette première crise, qui s’était produite pendant la semaine sainte de 1671, nous montre sous les dehors voluptueux et gais, du « petit compère » une doublure cachée, — un bout de la bure rude des ascètes ; et nous nous rappelons qu’il a toujours aimé, — par goût peut-être plus que par conviction, — mais n’importe, — les écrits de Port-Royal.


Cependant ce pauvre baron s’attristait, — « persuadé qu’il ne se marierait jamais, » trouvant ses terres en mauvais état, se voyant finalement tout seul au monde et ruiné. Il souffrait, nous dit sa mère, « d’une crainte effroyable d’être ruiné, d’une haine insoutenable des voyages et des fatigues passées, d’un