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donnait ces documens pour sujets de versions et plusieurs traductions de sa main figurent dans ses papiers. Closen, chargé de porter au Congrès la réponse de Rochambeau, faisait bride abattue plus de cent milles par jour, couchait « quelques heures dans un lit fait pour ne pas laisser dormir trop longtemps par sa bonté et société nombreuse et mordante, » rencontrait à Alexandria Mme Curtis, la « jeune, charmante et aimable belle-fille du général Washington, » et désormais ce sont à son sujet des louanges sans fin : « J’en avais déjà entendu faire un éloge pompeux, mais j’avoue qu’on ne m’en avait pas trop dit. Cette dame est d’un caractère si gai, si prévenant en sa faveur, joint à une éducation si accomplie, qu’elle est vraiment faite pour plaire à tout le monde. » Il remet ses dépêches au Congrès, d’autres à Washington, repart toujours bride abattue, guidé par un tisserand qui a si peur (car on avait déjà tué deux exprès) qu’il va d’un train d’enfer. Il rentre à Williamsburg, le 11 mai, ayant fait, arrêts obligatoires défalqués, « 980 milles en moins de neuf fois vingt-quatre heures. »

Comme l’été de 1782 approchait, l’armée française, qui avait hiverné en Virginie, remonta vers le Nord en vue d’opérations possibles. Ce fut pour Closen l’occasion de s’arrêter à Mount Vernon, aujourd’hui lieu de pèlerinage que visitent annuellement d’innombrables Américains et quantité de nos compatriotes, où se voient beaucoup de souvenirs rappelant l’ancienne alliance et entre autres, comme symbole des libertés françaises, la grande clef de la Bastille envoyée à Washington par La Fayette. « La maison, dit l’aide de camp, est très vaste et parfaitement distribuée, très joliment meublée et tenue à merveille, sans qu’il y paraisse de luxe. Il y a deux pavillons attenant, et beaucoup d’autres bâtimens appartenant à la ferme… Il y a un jardin immense derrière le pavillon de droite et qui est parfaitement bien entretenu. On y trouve les fruits les plus exquis du pays. » Mme Washington reçoit gracieusement le visiteur, ainsi que le comte de Custine, le même qui devait gagner et perdre des batailles et mourir guillotiné sous la Révolution, et une dizaine d’officiers du régiment de Saintonge qui se trouvait à proximité. « M. de Bellegarde devança M. de Custine et apporta de sa part un service de porcelaine de sa propre manufacture de Niderviller près Phalsbourg, de toute beauté et du plus nouveau goût, aux armes du général Washington, et