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servait sans doute à conduire les eaux qui élevèrent elles-mêmes cet aqueduc. L’eau, suivant la direction que lui traçait la pente du sol, coula sur son dépôt, l’augmenta tous les jours ; et, comme la matière calcaire se déposait plus facilement sur les bords que dans le milieu, elle laissa dans cette partie le sillon peu profond qui lui servait de conduit. Les eaux, arrivées à l’extrémité de la muraille, se répandirent dans le ruisseau qui mettait un terme à leur dépôt ; bientôt cependant la muraille s’éleva au bord, et dès qu’il y eut une chute, il y eut aussi un prolongement de matière calcaire qui avança au-dessus de l’eau. Des plantes aquatiques ne tardèrent pas à s’y développer et leur végétation, activée par les matières salines contenues dans les eaux minérales, couvrit de touffes de verdure le rocher qui venait de se former… »

Mais ces plantes imprudentes, collaboratrices très actives du dépôt, étaient peu à peu prises dans les incrustations de l’eau : un véritable emmurement, et elles contribuaient par leur masse à accélérer la conquête de la pierre. En quatre siècles, d’après une estimation de M. Nivet, l’arche fut formée. Et pourquoi ne s’éleva-t-il pas tout simplement une digue ? C’est que les eaux du « fleuve » emportaient le calcaire au fur et à mesure de sa précipitation. Ce pont est jeté sur une île ; la source commençait à le prolonger jusqu’à l’autre rive, lorsqu’elle fut détournée, et le bel ouvrage fut abandonné. Deux autres ponts sont en voie de formation, dont l’un est dans l’établissement de Saint-Alyre ; mais pour qu’il n’aille pas trop vite, on ne lui laisse l’eau incrustante qu’une partie de l’année. Depuis le XVIIIe siècle, on la fait travailler, cette eau, à de petits objets d’agrément : bas-reliefs, fruits, fleurs, nids qu’elle transforme en pierre. Chomel envoya, à son ami Tournefort, des raisins et des feuillages recouverts de ces dépôts calcaires tout pareils à ceux que, de nos jours encore, achètent chaque année les touristes.

Les gens de Clermont se garderaient bien de goûter à l’eau de Saint-Alyre, dans la crainte, paraît-il, de se pétrifier l’intestin ; il est certain qu’elle doit avoir une saveur fort terreuse. On l’admet pour les bains.

Il y a des sources analogues dans des localités voisines ; à Saint-Nectaire, le carbonate de chaux est plus blanc et d’une cristallisation plus fine : il fait des traînées visibles de loin sur les granits de couleur plus sombre : à l’imitation de l’Italie, on