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d’auréoles qu’enlumina le pinceau rituel d’un imagier byzantin, précurseur de Giotto, la figure douce du Bon Pasteur portant l’agneau pascal. La clarté des vitraux et le flamboiement des cierges font chatoyer toutes les couleurs de l’arc-en-ciel sur les métaux ciselés et le cristal à facettes, sur les tissus historiés des ornemens ecclésiastiques et des vêtures sacerdotales. Un symbolisme compliqué, raffiné, à la fois naïf et ingénu, multiplie en miniatures multicolores, sur la soie des dalmatiques, des chasubles et des étoles, sur l’orfroi des chapes, sur les émaux des mitres et des tiares incrustées d’améthystes, de rubis et de topazes, les emblèmes et les allégories où se stylisa, en se fixant comme dans l’imagerie des mosaïques, la doctrine visionnaire des théologiens de Byzance. On voit s’épanouir des floraisons de féeries, s’ouvrir des ailes d’oiseaux et d’anges, frissonner des essaims d’abeilles, s’entre-croiser des losanges, rayonner des étoiles et des roses, perler des larmes, flamboyer des soleils, à travers la trame des étoffes brochées d’orfèvrerie et parmi les reflets de l’or ou de l’argent qu’incendie l’éclat des gemmes précieuses. L’église, remplie d’une foule de fidèles en rangs pressés, se pavoise de drapeaux bleus et blancs, dont le taffetas ondule sous la coupole d’azur, constellée de points d’or. On a suspendu partout des banderoles de toutes les couleurs, avec des devises brodées en l’honneur des braves marins qui sont les hôtes de la ville et les libérateurs de l’Archipel. Le parfum des fleurs récemment cueillies [rafraîchit l’odeur des aromates brûlés dans des cassolettes que balance le geste rituel des enfans de chœur. Les hymnes psalmodiées par la maîtrise de la cathédrale métropolitaine sont empruntées aux plus anciens antiphonaires de l’Eglise chrétienne d’Orient. Ces chants liturgiques semblent avoir gardé l’accent du christianisme primitif. Mais ils ont aussi des sonorités antiques. Ils sont scandés par des rythmes qui ont réglé peut-être les calmes modulations du chœur, la strophe, l’antistrophe et l’épode, aux temps lointains où la célébration nationale des jeux dramatiques et lyriques, auprès de l’autel du théâtre de Dionysos, chez les Athéniens, était une liturgie à la fois civique et religieuse. Dans le domaine de l’hellénisme, tant de fois saccagé par les Barbares, aujourd’hui encore encombré de débris par l’écroulement des temples en ruines et par la débandade des peuples en détresse, tout semble se transformer de fond en comble, — et, en réalité, rien