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la Sublime Porte, vint ici, en 1673, avec son fidèle secrétaire, Antoine Galland, futur traducteur des Mille et une Nuits, et que les habitans de l’île profitèrent de sa présence pour célébrer des fêtes à l’occasion du siège de Maastricht et en l’honneur du marquis de Vauban qui s’était emparé de cette place forte… Enfin, l’un des officiers d’ordonnance de l’amiral me disait, ce matin même, que l’on peut trouver encore à Chio quelques vieillards qui se souviennent d’avoir vu, tout enfans, le colonel Fabvier. Cet intrépide philhellène, qui avait juré de « tout donner avec plaisir » pourvu « qu’il en retournât quelque chose à la gloire du nom français, » débarqua ici, avec une troupe de volontaires, dans la matinée du 28 octobre 1827. C’était un survivant des grandes épopées, un véritable chevalier sans peur et sans reproche. Pendant deux mois, n’ayant qu’une petite batterie de quatre canons contre cent cinquante bouches à feu, il assiégea la citadelle occupée par le gouverneur Yousouf pacha. Il aurait péri dans cette entreprise héroïque, si M. Gaultier de Rigny, capitaine de vaisseau, commandant notre station navale du Levant, ne lui eût envoyé au port de Mesta un navire, la Fleur-de-Lys, où il ne voulut prendre passage qu’après avoir fait embarquer les proscrits et les fugitifs qui avaient cherché un refuge dans son camp. Toutes ces images, évocatrices d’un passé lointain ou récent, me parlent d’une tradition française qui, jusque dans les visions d’aujourd’hui, se maintient et se continue.

J’entendrai longtemps la voix de cet évêque, disant aux fidèles de son diocèse, groupés debout, autour de lui, pour ce service d’actions de grâces : « Mes frères, n’oubliez jamais, dans vos prières et dans vos méditations, d’unir au nom de la Grèce le nom de la France. L’une est votre patrie réelle, l’autre est en quelque sorte votre patrie idéale. Ne les séparez jamais l’une de l’autre. Elles sont inséparables, étant unies pour toujours par les liens d’une fraternité indissoluble. » A l’appel de l’évêque, la foule a répondu, dans l’église, par le cri de : « Zitó i Gallia ! Vive la France ! » Je voudrais, dans cette relation véridique, propager l’écho de cette cordiale acclamation.

Le Te Deum, la « doxologie, » comme on dit ici, s’achève in hymnis et canticis. L’arôme de l’encens se mêle à l’odeur de la cire, monte en spirales de fumées bleues et de senteurs suaves vers les voûtes de l’abside étoilée où apparaît, nimbée