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casquette de drap. Son grade est indiqué simplement, sur l’épaule, par une étroite bande d’étoffe noire, où sont brodés en or les insignes du haut commandement. Le commandant en chef de l’escadre de la mer Egée, étant aide de camp du Roi, porte des aiguillettes d’or sur sa tunique blanche. Il n’a point d’autre décoration que la croix du Sauveur, fixée en sautoir à la cravate bleue des commandeurs de l’ordre royal hellénique. L’ensemble de cette tenue est à la fois sévère, avenant, fort distingué.

Les intrépides officiers qui, pendant plus de six mois de navigation hivernale, ont mené à bord des cuirassés ou des contre-torpilleurs de l’escadre chargée de fermer l’Hellespont, la rude campagne de la mer de Thrace ont un air grave et recueilli.

Je les vois défiler lentement un à un, baisant respectueusement, au passage, l’icône présentée aux fidèles par le métropolite. Celui-ci aperçoit dans l’assistance un Français, un défenseur sincère de l’hellénisme, venu en ami et aussi en curieux, et cherchant un coin pourvoir sans être vu. Mais Mgr Hiéronyme a une telle autorité naturelle dans l’attitude, dans le regard, dans le geste, qu’on ne peut se dispenser de lui obéir, même si l’on n’est pas un des paroissiens ordinaires de sa cathédrale. Bon gré mal gré, d’un geste péremptoire, il me fait asseoir à la première place, à sa droite. Je puis ainsi voir de près cette belle figure sacerdotale, empreinte d’énergie militante et d’impérieuse bonté. Avec sa large barbe grisonnante, ses épaules trapues, son encolure râblée, sa carrure puissante, Mgr Hiéronyme ressemble à un de ces patriarches guerriers qui, dans les angoisses de l’empire chrétien d’Orient, assistèrent de leurs conseils et fortifièrent par l’exemple de leurs vertus combatives les souverains de la dynastie macédonienne, un Jean Zimiscès, un Nicéphore Phocas, ou l’héroïque empereur Basile II, surnommé le Bulgaroctone. Son aspect aurait même une rudesse toute martiale, si dans la lumière de son regard bienveillant et dans la sérénité de son éloquence patriotique et chrétienne on ne lisait clairement la mansuétude d’une âme éprise de pacification évangélique. Je suis profondément reconnaissant au digne métropolite de Chio, pour les nobles paroles qu’il a consacrées en cette circonstance solennelle, devant cet auditoire exceptionnel, à la louange de la France. C’est apparemment le