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fleurs décloses, dont l’image multipliée oscille en caprices de flammes allumées vite et vite éteintes, ainsi que les étincelles d’un feu d’artifice, au miroir mouvant des flots nacrés, état és au soleil. Tous les patrons des felouques, des galiotes et des mahonnes qui dansent sur la vague ont arboré à la cime de leurs mats pavoises des gerbes de lauriers et des bouquets de myrte. On a cueilli des moissons de roses dans les jardins qu’illustre encore le souvenir d’Homère et qu’épanouit toujours la brise caressante des Cyclades. L’odeur poivrée des œillets se mêle au parfum subtil de la menthe, de l’héliotrope, des verveines et des lavandes sauvages dans l’air diversement aromatisé de senteurs innombrables. Ce qu’on respire surtout, dans cette atmosphère où s’exhale l’âme de toutes les fleurs d’Orient, c’est le baume du basilic. Cette herbe odoriférante a germé, dit-on, sur le bois de la Vraie Croix, lorsque sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin le Grand, découvrit sur le Calvaire les reliques de la Passion. C’est pourquoi cette humble plante, née miraculeusement des gouttes de sang du divin martyr, occupe ici une place d’honneur dans les fêtes nationales qui, pour les Grecs, sont toujours des fêtes religieuses.

On attend la flotte. Ces braves gens veulent voir leur « navarque, » leurs officiers, leurs équipages, leurs cuirassés d’escadre, leurs croiseurs, leurs contre-torpilleurs. Ils sont délivrés depuis quelques mois à peine. C’est la première fois qu’ils vont voir l’amiral commandant en chef l’escadre de la mer Egée. Combien je leur suis reconnaissant d’avoir bien voulu, en ce jour, songer qu’un Français, venu directement de France afin de leur apporter le salut fraternel de la Ligue française pour la défense des droits de l’hellénisme, prend sincèrement, largement sa part de toute cette joie d’un peuple longtemps affligé ! Au moment où le canot-major du Mycali, glissant sur l’eau tranquille, accoste à la cale de pierre que décore un arc de verdure, destiné à l’accueil triomphal de l’amiral et de son état-major, je vois s’avancer à ma rencontre une délégation composée d’un groupe nombreux d’instituteurs et d’élèves des écoles helléniques. Un orateur s’approche, et prononce un discours écrit dans la plus pure langue du savant Adamantios Coraï, docteur de la faculté de Montpellier, illustre philologue et humaniste qui a fait de Vile de Chio sa patrie intellectuelle. J’ai le plaisir de