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n’y avait pas deux plans satisfaisans mais un seul : savoir, de reconquérir le Sud, ne fut, chose singulière, ni Washington, ni Rochambeau et ne se trouvait aux États-Unis ni comme soldat, ni comme marin, mais bien comme diplomate : et, en attirant l’attention sur ce point, je ne fais que remplir le plus agréable devoir vis-à-vis d’un prédécesseur justement admiré. Cet homme de bon conseil fut La Luzerne. Dans un mémoire inédit rédigé par lui le 20 avril et envoyé à Rochambeau le 19 mai, avec une lettre explicative, priant que son travail, dont il adressait aussi copie à Barras, fût mis sous les yeux de Washington, il disait : « C’est dans la baie de la Chesapeake qu’il paraît urgent de porter toutes les forces navales du Roi, avec telle force de terre qui sera jugée utile par les généraux. Ce changement ne peut manquer d’avoir les suites les plus avantageuses pour la continuation de la campagne. » Et ces suites, fort habilement déduites, sont accompagnées de la remarque : « Si les Anglais nous suivent et qu’ils ne puissent arriver qu’après nous dans la baie, leur condition est bien différente de la nôtre ; toutes les côtes, toutes les parties intérieures du pays sont remplies de leurs ennemis. Ils n’ont ni les moyens, ni le temps d’élever, comme à New York, les ouvrages nécessaires pour les couvrir des insultes des troupes américaines et les garantir du danger où les exposerait l’arrivée d’une force supérieure. » Si le projet qu’il expose rencontre des difficultés, il faudra en former d’autres, mais il maintient que « tous ceux qui auraient pour but le soulagement des États du Sud doivent être préférés, et qu’il n’y a pas de temps à perdre pour les mettre à exécution. »

Aux conférences de Weathersfield, en Connecticut, entre Américains et Français, le 23 mai, Washington marquait encore, et non sans avancer de sérieuses raisons, sa préférence pour une attaque sur New York ; il parlait de la saison avancée et » de la grande consommation d’hommes qui résulte des longues marches dans les États du Sud, démontrée par l’expérience, » de la « difficulté des transports par terre : » tous ces motifs lui font « préférer une opération contre New York dans les circonstances présentes à un effort pour envoyer des forces dans le Sud. » Il écrivait le même jour à La Luzerne : « Notre objectif est New York. »

Mais La Luzerne ne cessait d’insister. Il écrivait à Rochambeau, le 1er juin : « La situation des États du Sud devient à