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légères, difformes, incapables de solidité et de consistance, occupées uniquement de friser leur chevelure, de se colorer le visage, sans délicatesse, sans foi. » Comment seraient reçus des milliers de ces machines ?

Rochambeau fit le nécessaire. D’abord, en prévision d’une attaque anglaise à laquelle on s’attendait chaque jour, il se fortifia en toute hâte. « Il avait, écrit Mathieu-Dumas, reconnu lui-même les principaux points de défense, fait élever le long de la passe des batteries de gros calibre et de mortiers, établi des grilles pour rougir les boulets. » Pendant les premiers jours, dit Closen, « nous n’étions pas tout à fait à notre aise… Mais heureusement, messieurs les Anglais furent très aimables et nous en fûmes quittes pour de fortes inquiétudes qui tourmentèrent notre marine bien plus que l’armée de terre. » Deux semaines après, Rochambeau pouvait écrire au ministre que, si Clinton venait, il serait bien reçu, et plus tard encore, réclamant sa deuxième division dont il était sans nouvelles : « En deux mots, monsieur, sir Henry Clinton et moi nous en sommes sur la cérémonie, à qui fera la première visite. Si nous ne nous levons pas plus matin que les Anglais et que les secours qu’on leur annonce d’Europe arrivent avant notre seconde division, ils nous feront une visite que j’aimerais mieux leur faire à New York. »

Quant à la réputation des Français, Rochambeau et ses officiers étaient unanimes : elle changerait si une discipline exemplaire était maintenue pendant la campagne. Il n’est pas de point auquel ils donnèrent plus d’attention. Ecrivant au prince de Montbarey, un mois après le débarquement, Rochambeau pouvait lui dire : « Je réponds de la discipline de l’armée ; pas un homme n’a sorti de son camp, pas un chou de pris, pas une plainte, » et, écrivant au Président du Congrès vers le même moment : « J’espère qu’on aura rendu compte à Votre Excellence de la discipline des troupes françaises ; il n’y a pas eu une plainte, et il n’a pas manqué un homme à l’appel. Nous sommes vos frères ; nous nous conduirons comme tels avec vous ; nous nous battrons contre vos ennemis, à vos côtés, comme une seule et même nation. » Mentionnant dans ses Mémoires la visite des « sauvages, » anciens amis de la France qui vinrent à notre camp, il dit qu’ils ne « marquèrent aucune surprise à la vue des canons, des troupes et de leurs exercices ;