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Chopinet, Goujat, Cocula, ces aveugles, ne trouveront-ils pas des camarades, des frères, pour les prendre par le bras et les mettre affectueusement dans le droit chemin ?

Les dévouemens ne manqueraient pas. Mais que la tâche est difficile ! Ce sont des éducations à reprendre par la base.

Deux jeunes radicaux, MM. Landry et Honnorat, ont senti que c’était humiliant pour eux tous (et impolitique) d’être les seuls à ne pas partager la sympathie soulevée par les églises. Les voilà qui s’élancent au secours des clochers. Ils entraînent dans leur élan, M. Bouffandeau en tête, leurs coreligionnaires politiques. Nos vieux radicaux, métamorphosés par cette jeunesse, ont décidé de sauver les églises. Mais de quelle manière ? Je lis et relis l’amendement qu’ils viennent de signer à la suite de MM. Landry et Honnorat, et je me demande s’il est une mystification, une ruse de guerre, ou bien l’erreur de deux innocens ?

Sous cette impression j’écris à M. Léon Bérard, sous-secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts :


Paris, 9 janvier 1913.

Monsieur le sous-secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts,

Qu’entends-je dire ? Serait-il possible ? Vous feriez vôtre l’amendement Landry-Honnorat-Bouffandeau ? C’est là qu’aboutirait votre belle intention de sauver l’ensemble de notre architecture religieuse ? Quel espoir dégonflé ! Quand je pense que, dès le soir de mon intervention du 25 novembre, chacun s’en allait répétant : « C’est décidé. Le gouvernement trouve que l’état de choses ne peut pas se prolonger. Au cours de la loi de finances, il va régler la question des églises. » Ah ! laissez-moi écrire le gros mot de mystification.

Mais l’on doit se tromper. Il faut que l’on vous calomnie, ou bien que, trop occupé par les mille soins d’un des ministères les plus encombrés, vous n’ayez pas pu appliquer sur le texte de ces messieurs votre esprit, que je sais clair et loyal. Vous n’êtes pas homme à vouloir dresser une fausse façade, un portant de théâtre, un trompe-l’œil derrière lequel achèveraient de s’écrouler nos églises. Vous n’êtes pas de ceux qui ont dit, après la séance du 25 novembre : « Il est impossible de ne rien faire, l’opinion publique exige ces règles légales de conservation que