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la Chambre au sujet des emprunts étrangers est générale, elle ne fait pas d’exception. On dit pourtant que M. Caillaux a l’intention d’autoriser un emprunt russe et un emprunt serbe, sous prétexte qu’ils avaient déjà été consentis par le Cabinet Barthou. Le peut-il après le vote de la Chambre ? Espère-t-il lui arracher un vote nouveau et différent ? Obtiendra-t-il même une liberté qui s’étendrait à d’autres emprunts ? Qui pourrait le dire ? On comprend de quel moyen d’action le gouvernement de la République est privé en attendant, mais on comprend aussi le scrupule de la Chambre. Nous ne voyons qu’un moyen de sortir de la difficulté que M. Caillaux s’est créée à lui-même très bénévolement. Pourquoi retarde-t-il un emprunt dont l’ajournement alourdit les charges de notre Trésorerie et nous paralyse à l’étranger ? Il le sait sans doute : quant à nous, nous ne nous chargeons pas de le dire. Si c’est à cela qu’aboutit cette science financière qu’on a tant vantée, nous demandons qu’on nous ramène à M. Dumont. Il n’avait pas de génie, mais il avait du bon sens.

On se demande beaucoup si le ministère vivra jusqu’aux élections : l’événement seul peut répondre, il y a des chances dans les deux sens. Quoi qu’il en soit, l’année qui avait si bien commencé finit mal. Le pays avait espéré un peu de calme, d’apaisement, de justice ; son espérance a été déçue ; le retour au pouvoir des radicaux-socialistes a tout remis en question. La politique de combat recommence. Sans doute on s’en apercevra peu au premier moment, parce que le ministère, dans la fragilité dont il a conscience, sent le besoin de tout ménager pour qu’on le laisse vivre ; mais les intentions de ses amis ne sont pas douteuses ; on les a vus à l’œuvre, on les y reverra, si la France, aux élections prochaines, s’abandonne une fois de plus, à un parti dont elle a éprouvé la triste et odieuse politique. Qu’elle n’attende son salut que d’elle-même.


A propos des emprunts étrangers, nous venons de dire qu’ils étaient un de nos moyens d’influence au dehors : tout le monde reconnaît, en effet, que la France, bien qu’elle ne soit peut-être pas plus riche que telle ou telle autre nation, est celle de toutes qui a le plus d’argent immédiatement disponible et que cette disponibilité est une force. Si cette vérité n’était pas évidente par elle-même, on en aurait une preuve dans les suggestions qui nous viennent de Saint-Pétersbourg au sujet de l’emprunt turc. La Russie, et avec elle la France et l’Angleterre, sont engagées en ce moment dans un échange de vues