Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 19.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reconnu tout de suite l’obligation qui s’imposait à lui de relever les soldes et nous l’en félicitons. Il a cependant, et ici nous cessons de le féliciter, arrêté les relèvemens au grade de général de division : mesure détestable à coup sûr, mais, puisqu’on l’avait adoptée, encore aurait-il fallu s’y tenir. La Chambre ne l’a pas fait, elle a étendu la mesure aux généraux de brigade. Il est pourtant impossible d’être plus clair que ne l’a été le nouveau ministre de la Guerre, M. Noulens, lorsqu’il a expliqué qu’un général de brigade, étant donné les charges qui lui incombent, serait en réalité, si sa solde n’était pas augmentée, dans une situation matérielle inférieure à celle où il était comme colonel. Il a cité des chiffres qui mettent cette vérité hors de doute. La Commission de l’armée l’a fortement appuyé et son président, M. de Montebello, a adressé à la Chambre les adjurations les plus pressantes pour obtenir d’elle un vote favorable. Peine perdue : les généraux de brigade ont été exclus, avec les généraux de division, du bénéfice de la loi nouvelle. Un tel vote montre à quelles influences la majorité obéit et quelle médiocre autorité le gouvernement a sur elle.

Aussi les séances de la Chambre deviennent-elles de plus en plus insignifiantes, et nous n’aurions rien à dire des vaines interpellations qui ont été adressées au ministère, si M. Briand n’y était pas intervenu par une interruption qui a presque pris le développement d’un discours et a produit une impression profonde. Nous avons dit plus haut que M. Briand avait été traité d’« endormeur » par M. Caillaux. Pourquoi ? Parce qu’il est partisan de la politique d’apaisement. C’est ce que les radicaux-socialistes ne lui pardonnent pas. La vie politique leur apparaît en effet comme un champ clos où on s’injurie et où on se donne des coups, ce qui est, à les en croire, la condition même du progrès. M. Briand en a une autre conception et, comme elle plaît mieux que celle des radicaux-socialistes aux modérés et même aux réactionnaires, on l’accuse de s’appuyer sur ces derniers, d’avoir fait un pacte avec eux, de conduire la République à sa perte. Il a fini par perdre patience et d’abord dans l’interruption parlementaire dont nous avons parlé, ensuite dans un grand discours, qu’il est allé prononcer à Saint-Étienne, son pays électoral, il a très nettement opposé sa politique à celle des radicaux. Nous sommes loin d’approuver, dans le passé, tous les détails de cette politique. Pour mieux repousser le reproche d’être d’accord avec la droite, M. Briand s’est enorgueilli d’avoir soutenu fidèlement le ministère Combes et d’avoir fait voter par la Chambre la séparation des Églises et de l’État et la loi