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volonté, si vraiment il en avait une, ne tiendrait pas longtemps contre la pression à laquelle ils la soumettraient. Au surplus, cette pression ne s’exercera que plus tard : pour le moment, la consigne est de se comporter comme dans la chambre d’un malade, avec le moins possible de mouvement et de bruit. Il paraît que, dans un de ses discours, M. Caillaux, sans le nommer, mais en le désignant clairement, a traité M. Briand d’ « endormeur. » Aucun mot ne s’applique mieux au ministère actuel et à ses amis ; ils voudraient pouvoir endormir toutes les questions jusqu’aux élections prochaines : mais qui sait si quelque événement imprévu ne les réveillera pas en sursaut ? Quelque bonne volonté qu’on y mette, on ne peut pas toujours vivre dans l’inertie et dans l’équivoque, et la Chambre elle-même pourrait bien avoir tout d’un coup des exigences auxquelles le gouvernement n’est pas préparé. A propos de la loi électorale par exemple. Après avoir entendu la déclaration ministérielle, qui a paru plus banale, plus vide, plus plate que le genre ne le comporte, — et Dieu sait pourtant à quelles confections il nous a habitués ! — la Chambre a demandé au gouvernement des explications plus précises et a renouvelé, avec une majorité qui n’a pas fléchi, ses votes antérieurs en faveur du scrutin de liste avec représentation des minorités. Le gouvernement a paru alors être d’accord avec la Chambre ; mais quand il a été en présence de la Commission du Sénat, qui est d’un avis contraire, c’est envers elle qu’il s’est montré complaisant. En réalité, le gouvernement n’a aucune idée, ou du moins il n’en a qu’une qui est de gagner du temps. Mais la Chambre s’y prêtera-t-elle et, si elle tient vraiment à la réforme, comme ses votes réitérés le donnent à croire, se laissera-t-elle acculer à l’impossibilité de la faire à force d’ajournemens successifs ?

Veut-on avoir un autre exemple de la faiblesse du ministère et de la facilité avec laquelle il flotte et vacille sur l’élément parlementaire sans prétendre le dominer ? La question de l’augmentation des soldes militaires nous le fournira. L’insuffisance de ces soldes ne saurait faire doute aux yeux des hommes de bonne foi : nous payons misérablement nos officiers et nos sous-officiers, ce qui, vu la cherté toujours plus grande de la vie, explique la difficulté croissante que nous éprouvons à les recruter. Cependant le parti radical-socialiste n’est pas favorable au relèvement des soldes, et M. Caillaux, dans le discours qu’avant d’être ministre il a prononcé sur la situation financière, a signalé le danger qu’il y apercevait. Arrivé au pouvoir, le parti radical-socialiste a vu les choses autrement ; le ministère a