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REVUE SCIENTIFIQUE


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LES ÉLOGES ET DISCOURS DE M. DARBOUX[1]


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Certains hommes sont pareils à ces astéroïdes qui, dans les nuits de juillet ou de novembre, traversent le ciel nocturne comme des lances de feu : longtemps après qu’ils ont quitté notre atmosphère et repris dans l’abîme sidéral leur course anonyme, un bleu sillage phosphorescent dessine encore dans l’air leur trace fulgurante et prolonge pour nos yeux ravis leur présence abolie. Henri Poincaré fut de ceux-là. Non seulement, comme on l’a dit, la postérité pour lui avait commencé de son vivant, mais chaque jour son empreinte se profile davantage sur la route de tous ceux qui à tâtons cherchent ici-bas la vérité.

Il y a quelques jours, à la séance publique annuelle de l’Académie des Sciences, M. Darboux, secrétaire perpétuel de l’Académie, a prononcé l’éloge historique du grand disparu, et, tandis que la plus haute autorité de la science française rendait à Henri Poincaré ce suprême hommage, on sentait planer sous cette coupole vénérable une émotion haute et grave.

C’est que de toutes les voix qui se sont élevées pour célébrer le grand savant philosophe, il n’en est point sans doute qui aient mieux que celle de M. Darboux situé Poincaré dans l’histoire de la pensée humaine ; il n’en est point qui aient mieux dessiné sa douce figure ni marqué en termes aussi définitifs dans leur pure simplicité, son rôle dans la science et son attitude philosophique, si apaisante, si consolante même en sa mélancolie.

  1. Éloges et Discours académiques, volume publié par le Comité du Jubilé scientifique de M. Gaston Darboux, A. Hermann et fils, Paris.