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d’Anvers, la situation de l’armée française deviendrait absolument critique. Maison, coupé à la fois de Lille et d’Anvers, n’aurait plus alors d’autre ressource que de se jeter sur les places maritimes. Or le retour à Lille était pour lui, selon sa propre expression, « la grande affaire. » Le général en chef avait supputé ces conséquences possibles de sa marche sur Gand, mais, connaissant l’indécision de son adversaire, il pensait qu’en agissant promptement, il n’aurait point à les redouter. Maison demeurait d’ailleurs convaincu que, sans lui supposer l’intention de retourner à Lille pour sauvegarder les places de l’ancienne frontière, Weimar lui attribuait au contraire deux projets tout différens : ou bien celui de marcher directement sur Bruxelles, ou bien celui de chercher à écraser sous Anvers le corps de blocus pour tenir ensuite la campagne avec avantage en menaçant toujours Bruxelles.

Maison résolut donc de se rabattre immédiatement sur Courtrai. Après avoir fait partir en avant, vers Audenarde, la division Solignac avec un escadron de chasseurs pour occuper momentanément Peteghem et couvrir la marche de ses troupes, Maison évacua Gand, le 30 mars au jour. Le poste que l’ennemi venait de rétablir à Deynze fut surpris et culbuté. Quelques cavaliers prussiens, cantonnés à Courtrai, se retirèrent sans opposer de résistance. Ainsi l’armée put effectuer tranquillement sa marche dangereuse et prendre position sans difficulté à Courtrai. Le général en chef y établit ses troupes de la façon suivante : la division Solignac et un escadron de chasseurs à Belleghem ; la division Barrois et les lanciers à Harlebeke occupant Sweveghem ; la division Roguet, formant réserve, la gendarmerie, le grand parc et le quartier général dans la ville ; le reste de la cavalerie, sous Castex, à la porte de Menin, observant la route d’Ypres[1]

Bientôt informé que Maison lui échappait, Thielmann, rappelant à soi tous ses corps détachés, se portait d’Audenarde sur Avelghem, dans l’espoir de joindre et d’enlever la division Solignac, dont le passage par Peteghem lui laissait supposer qu’elle constituait l’arrière-garde de l’armée française, alors que cette division, qui avait quitté Gand bien avant le gros du 1er corps, venait de s’y réunir à Courtrai. En même temps

  1. Historique des opérations du 1er corps d’armée en Belgique pendant l’année 1814.