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jusqu’à Comines pour y garder la Lys. Mais, le lendemain, Solignac constatait la présence à Menin d’un fort parti de cavaliers et de cosaques, que Weimar avait expédié en hâte sur ce point, aussitôt après l’évacuation de Courtrai par nos troupes. Maison crut donc devoir ramener de Roncq à Roubaix son quartier général et la division Barrois.

Cependant, le Prince royal de Suède, dont les alliés annonçaient depuis longtemps l’arrivée, venait enfin de pénétrer en Belgique avec son armée. A le voir s’attarder de ville en ville, on pouvait penser qu’il lui en coûtait d’avoir bientôt à envahir le sol de son ancienne patrie. Mais à ce sentiment naturel s’ajoutaient d’ambitieuses visées : prévoyant la chute prochaine de Napoléon, Bernadotte cherchait à préparer sous main son propre avènement au trône de France. Pour Bernadotte, c’était une chance tout à fait propice que de trouver à la tête du 1er corps un général qui avait été son aide de camp et qui restait son ami, un général longtemps tenu en dehors des hauts emplois et qu’assurément aucun sentiment de reconnaissance ne devait lier personnellement à l’Empereur. Le comte Beugnot, préfet du Nord, qui ne se montrait point alors hostile à l’idée d’une régence, fut fort vite, et pour cause, au courant des intrigues de Bernadotte. Craignant que Maison ne les favorisât, le préfet chercha à pénétrer quels étaient les rapports du général avec le Prince royal de Suède. « Le général Maison, marque Beugnot, me dit qu’il soupçonnait en effet au Prince royal des vues au trône de France. Ce Prince l’avait sondé par ses aides de camp, il lui avait fait quelques communications écrites, mais avec la précaution de ne rien laisser dans ses mains. Le général Maison n’avait pas l’air de s’associer le moins du monde aux espérances du Prince et les tournait plutôt en ridicule. Il annonçait comme parti pris de défendre jusqu’à la dernière extrémité la cause de l’Empereur[1]. »


VII

Le commandant du 1er corps ne céderait pas davantage aux sollicitations du parti royaliste, qui commençait alors à se

  1. Mémoires du comte Beugnot, p. 448 et 449.