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de la peine que, depuis quelque temps, je n’ai plus la confiance entière de l’Empereur. J’ai supporté ce malheur avec courage et ne l’en ai pas moins servi avec zèle et dévouement. Jamais Sa Majesté n’a voulu croire qu’il y eût des forces ennemies ici. Cependant voici le corps de Wintzingerode qui est parti, une portion de celui de Bulow qui file, et j’ai devant moi plus de troupes que je n’en puis réunir. Le Prince de Suède arrive avec son corps de Danois et de Suédois. Les Anglais et les Saxons sont devant Anvers. La Belgique a été noyée de troupes et l’est encore. Comment y aurais-je tenu avec la poignée d’hommes que j’avais[1] ? »

D’un caractère indépendant, mais soldat discipliné, Maison, lorsqu’il recevait du ministre ces deux pénibles dépêches, s’était déjà mis en mesure d’exécuter l’ordre qu’il avait précédemment reçu de se porter en avant. Insuffisamment renseigné par ses reconnaissances et voulant exactement savoir si l’ennemi cherchait à s’emparer d’Ypres pour attaquer ensuite Ostende, Nieuport, Dunkerque, ou bien s’il se préparait à appuyer par Cassel la colonne de Geismar, Maison résolut de se porter sur Ypres par Bailleul, a la tête d’une partie de ses troupes. Laissant Castex sur la Marque avec ordre de s’éclairer dans la direction de Tournai, postant sur la route de Menin le général Barrois avec quatre bataillons, une batterie et quelques cavaliers pour couvrir Lille, et au besoin pour appuyer Castex, le général en chef occupait Armentières le 24 février. Le lendemain, il poursuivait sa marche jusqu’à Bailleul. Mais, apprenant que l’ennemi rétrogradait précipitamment vers Courtrai, Maison se rabattit aussitôt sur Menin, où il prescrivit à Barrois d’aller l’attendre.

En arrivant à Menin, dans la matinée du 26, Maison y trouva les troupes que lui amenait Barrois. Remettant en marche, après quelques heures de repos, sa colonne ainsi renforcée, il arriva devant Courtrai à la tombée de la nuit. Malgré l’obscurité, les soldats de Maison pénétrèrent très résolument dans la ville que l’ennemi évacua presque sans résistance pour se retirer dans la direction d’Audenarde. Etablissant alors Barrois à Courtrai et y appelant Castex qui, trop faible, n’avait pu s’approcher de Tournai, le général en chef retourna de sa personne à Lille.

Cependant, Maison se disposait à marcher sur Gand, pour

  1. Maison au ministre, 24 février 1814. — Archives historiques de la Guerre.