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même le blessé qu’on enveloppe de gaze, d’iodoforme, de bandes étroites. Que ne les traite-t-on pareillement ?

Au total, s’il était possible d’hospitaliser les malades, on en guérirait beaucoup. L’excellence de leur tempérament les défend contre les complications habituelles aux maux des Européens. Nos méthodes appliquées à de telles constitutions donneraient des maxima de cures. Ce serait un impeccable moyen de multiplier nos prestiges et d’assurer notre influence dans tout le Sahara. Malheureusement, le budget des services sanitaires ne suffit pas.

La pénurie de médecins est incroyable, honteuse même pour la métropole, et sa réputation dans le monde. Pendant la marche de l’azalaï que le docteur accompagne quatre ou cinq mois, le cercle de Tombouctou, et ses 94 000 habitans se trouvent sans aucun médecin. Quand je passai à Djenné, le cercle et ses 83 000 habitans en étaient privés.

Une loi devrait attribuer trois ans de service africain dans l’infanterie coloniale, à tous les jeunes gens reçus docteurs et dès lors enrôlés comme tels, et dispensés, en revanche, de convocation militaire avant la fin de leurs études.

Trop précieuse est la vie des blancs qui, à deux ou trois, dispersés sur d’énormes régions, administrent 60 ou80 000 Africains, et les protègent, contre un millier d’esclavagistes, avec vingt ou trente tirailleurs soudanais, avec un goum de cinquante méharistes douteux ! Trop précieuses pour l’avenir sont les existences des enfans indigènes, de leurs mères qui, faute d’hygiène, périssent en grand nombre.

Cependant les docteurs décuplèrent au Soudan les possibilités de l’effort humain dans leurs postes. Certains de servir la cause de leur pays et l’honneur des nations civilisées, ils se prodiguent jusqu’à mourir par excès incroyables de fatigues. Ils enseignent même aux officiers les principes de l’art, et les moyens d’utiliser les manuels de thérapeutique coloniale, dans les postes lointains, d’essayer les interventions chirurgicales indispensables. À cette école, lieutenans et capitaines se font thaumaturges, et avec, parfois, un succès bien inattendu dans le fond de la brousse.

Comprennent-ils de tels dévouemens, ces malades accroupis à l’ombre du péristyle sur le seuil du dispensaire ? Ceux-là si bien faits en leur nudité couverte de haillons ; et ces négocians