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enthousiasme quand elle parut assurée, il la défendit quand elle fut attaquée et retirée : c’est l’objet des deux articles que nous venons de citer. L’Empire des Tsars n’est pas habité par une seule race, un seul peuple ; on y trouve plusieurs religions et de nombreuses sectes ; tout autour du noyau grand-russe s’étendent des provinces frontières, des Oukraïnes, qui ne sont ni les moins prospères, ni les moins civilisées : la Finlande est protestante, la Pologne catholique, le Caucase arménien et musulman ; beaucoup de Moscovites de pur sang russe appartiennent, ouvertement ou en secret, aux sectes du raskol. C’est pourquoi la politique des partis de droite, le nationalisme intransigeant des « hommes russes, » les mesures de concentration autocratique de M. Stolypine, l’abandon de la méthode « libérale » vis-à-vis des religions non « orthodoxes, » n’avaient pas l’approbation d’Anatole Leroy-Beaulieu ; il croyait cette méthode dangereuse pour la Russie, il aurait préféré, pour elle, la liberté religieuse et « un régime constitutionnel... appuyé sur un large self-government régional. » Telles étaient ses vues ; il ne nous appartient pas de les discuter ; il suffit qu’elles aient été celles d’un ami sincère et désintéressé de la Russie et de l’un des hommes de tous les pays, — y compris la Russie elle-même, — qui l’ont sans doute le mieux connue.

Un empereur, un roi, un pape, une restauration, paru en 1879, est le recueil des premiers articles politiques, refondus et complétés, d’Anatole Leroy-Beaulieu. Napoléon III, Victor-Emmanuel, Pie IX, Alphonse XII y sont étudiés dans leur personnalité et dans leur politique. C’est, à propos d’eux, toute l’Europe et trente ans d’histoire que l’auteur fait revivre ; œuvre de maturité déjà, où apparaît une connaissance directe et personnelle des personnages et des faits, mais où l’on retrouve encore les traces de la ferveur du jeune pèlerin, qui s’enthousiasmait pour l’unification et la libération de l’Italie. L’étude sur Pie IX le montre « catholique libéral, » convaincu des dangers, pour l’Église, de l’esprit infaillibiliste et de l’excessive centralisation gouvernementale. Un des premiers parmi les écrivains catholiques, Anatole Leroy-Beaulieu indique les avantages qui peuvent résulter, pour l’extension du pouvoir spirituel et du magistère moral de la Papauté, de la perte de son domaine temporel.

Dans la France, la Russie et l’Europe, qui date de 1888,