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simples. Des mirages, des hallucinations, après la diète ou le délire de la soif, munirent les apôtres d’argumens immédiats, évidens. Les heureux entraient ici, dans le mystère de cette grande salle, afin de remercier le dieu qui leur épargna des infortunes. Les malheureux recouraient à sa justice, afin qu’il finît et compensât les déboires. La confrérie, d’ailleurs, promettait son aide, la clientèle de ses membres, l’appui de ses marabouts glorieux, l’accueil et l’hospitalité dans les oasis où elle avait des amis fidèles, dans les villes où elle entretenait une influence respectée. Plus d’isolement. Moins de faiblesse. Le sein d’une puissance collective et sainte combinée par des ascètes héroïques. Voilà ce que la confrérie musulmane offre encore à ses participans.

Les sciences mêmes, les arts, les littératures, ce sont les cheiks ou les marabouts qui les enseignent, le Coran à la main. L’orgueil de penser, celui d’être admiré pour une œuvre de l’esprit, celui de suivre la floraison de ses talens, au milieu d’une élite qui les nourrit de ses lumières, les éduque et les produit : tout cela dépend aussi de la société pieuse. En outre, du désert, arrive la renommée d’ascètes prodigieux. Ils conversent avec les anges d’Allah, et, parfois, soulèvent les tribus, s’emparent des empires, deviennent des maîtres et des conquérans terribles sous l’étendard du Prophète. Gagner, dans leurs rangs, la vie paradisiaque ou la puissance terrestre, quelle noble tentation !

Aussi les Dias, peut-être chrétiens, de la Cyrénaïque, ces archers, ces armas organisateurs de la nation songaï s’étaient-ils, dès l’an 1050, à peu près convertis. Les princes fétichistes du Mali n’ont pas hésité à recevoir l’investiture du turban, du sabre et du Coran, qui les fit les frères du Maroc almoravide. Nécessité telle que le relâchement de ces liens précéda la déhiscence de leurs Etats si péniblement rassemblés. De plus, il y a pour les chercheurs l’attrait de la magie et de l’alchimie, de l’astrologie. L’Islam détient, au XIVe siècle, toutes les promesses de secours, de prestige et de savoir.

Il les contient encore aujourd’hui pour ce vieux Songaï enturbanné par-dessus sa face camuse et les maigres frisures de sa barbe grisâtre. Enroulé dans les blancheurs de son boubou, il se prosterne, du front touche la terre. S’il fait, avec du sable, un simulacre de se laver les mains et les bras, s’il murmure