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et droites sous leurs calebasses surchargées. Si le quartier des négocians se transforma peu à peu en une masse de maisons serrées le long des rues tortueuses, facilement défendables, c’est que les conquérans africains souhaitèrent de bonne heure y lever l’impôt.


III. — LA CROISSANCE DOULOUREUSE DE LA CITÉ. INTELLIGENCE DE L’ISLAM SAHARIEN

D’abord, l’empereur berbère de Gao, le Dia, fils de ces Berbères Lemta, jadis chrétiens, chassés, par l’Islam triomphant, de leur Tripolitaine, parvenus à Gounguia, sur le Niger oriental, et accueillis chez le peuple songaï comme alliés, pour leurs mérites d’archers, armas, puis comme chefs de guerre, afin de réduire la caste des pêcheurs Sorkos qui prétendaient à la domination intégrale du fleuve et des contrées riveraines. Quand il sut que les caravanes de Oualata et de Tadmekkot allaient vers Tombouctou plutôt que vers sa capitale pourvue cependant d’un quartier arabe pour les caravaniers en manteaux rouges du Sahara, le Dia voulut y paraître avec ses magiciennes aux oreilles chargées de perles, avec ses danseuses à trois houppes, et y recueillir le sel qui, dans son empire, servait couramment de monnaie. Donc, à la fin du XIIe siècle, les marchands de Tombouctou eurent à subir les offenses des Songaïs en habits de cuir et de leurs armas. Pendant la présence du souverain lemta, ces marchands durent, selon la coutume de Gao, interrompre toutes leurs occupations à l’heure du repas impérial, jusqu’après l’instant où des clameurs proférées par le harem et la garde annonçaient que l’on jetait au Niger les reliefs du festin, et que chacun pouvait se remettre à ses travaux, à ses plaisirs.

Ensuite, il fallut subir les conséquences des guerres entreprises par et contre les Dias. Les caravaniers du Maroc, arrivant à Tombouctou pour y compléter leurs achats d’or et d’esclaves commencés dans la région du Oualata, demeuraient moins longtemps par crainte, au retour, des Malinkés alors en victoires constantes sur le Haut-Niger et le Haut-Bakoy, dans le Bambouck, dans le Ghana. Debout sur les toits en chaume et en branches de leurs maisons éparses, dans les avenues de la ville blonde, les riches anxieux regardèrent, un jour de 1325, la poudre soulevée