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besoin. Souvent, dans les provinces du Midi, les chevaux étaient remplacés par des mules, solides, mais très lentes.

Lors des déplacemens de la Cour au XVIIIe siècle et par exemple pendant le séjour du Roi à Fontainebleau, c’était une affaire d’assurer les communications avec Paris et Versailles. Il fallait emprunter des chevaux de toutes les routes à vingt lieues à la ronde. On serait surpris de la difficulté de réunir à cette époque un effectif assez modeste en somme d’animaux de selle et d’attelage, si l’on ne savait combien les écuries des maîtres de poste étaient peu garnies. Nous pouvons nous en rendre compte en lisant les rapports des inspecteurs au ministre des Affaires étrangères, M. de Torcy, chargé de la surintendance (1702) : aux environs de Paris, Le Bourget, avec 27 chevaux, était le mieux monté de toute la France. Soissons et Metz viennent ensuite avec 20 têtes (14 bidets et 6 malliers), puis Lyon et Limoges avec 17 seulement. Reims, Nevers, Essonne et Verdun ont chacun 15 chevaux, mais beaucoup de ces animaux ne valent pas grand’chose : sur les 13 recensés à Meaux 4 malliers et 2 bidets sont « tout à fait ruinés ; » sur les 10 de La Ferté-sous-Jouarre 9 ont « les jambes fort travaillées. « Les. routes sont mauvaises, quelques-unes inondées ; prétend-on passer par les champs riverains, les habitans, furieux, vous jettent des pierres ; à Thionville l’inspecteur en a reçu.

Les postes n’étant pas destinées aux résidens mais aux passagers, on s’explique que des chefs-lieux de province ne soient pas mieux garnis que de simples villages, qu’Orléans n’ait que 11 chevaux tandis que La Ferté Saint-Aubin en a 13 ; Moulins, Fontainebleau ont 10 chevaux, Mézières en a 7, Clermont-Ferrand 6, Châteauroux 5, Riom, 3.

Ce dernier chiffre, exceptionnel sur les lignes de l’Est et du Centre, où la moyenne est de 9 chevaux, est assez fréquent dans l’Ouest ; non seulement il se voit en Normandie des postes de 2 chevaux, — Bernay, Laigle, Mortain, — et de 3 ou 4, — Argentan, Falaise, Avranches, Pontorson, Séez, — mais les chiffres médiocres des bonnes villes, — Caen 8 chevaux, Alençon 6, — indiquent que dans cette région la poste n’est guère achalandée. L’inspecteur, après 6 lieues de trajet depuis Caen, arrive à Bayeux où, dit-il, il ne trouve ni chevaux ni personne pour en fournir : même aventure à Tinchebray, à Condé-sur-Noireau, où la poste est abandonnée ; parfois le titulaire, prévenu d’avance,