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la route est difficile, la distance entre les relais n’est que de deux lieues et, comme on change souvent de chevaux, on va toujours au galop. Les voitures, bien que très lourdes encore, ont été suspendues par des courroies. L’intérieur contient 10 personnes, 3 en avant, 3 en arrière, et 2 entre chaque partie latérale ; de chaque côté, une grande fenêtre et deux petites. Au milieu, il y a toujours assez de place pour installer une petite table et caser les chapeaux et petits paquets. Bonnes routes, bons chevaux, voitures commodes, tout est réuni pour rendre un voyage en France agréable au possible… Le milieu des routes françaises est pavé de pierres taillées en cubes qui forment le passage le plus uni et le plus résistant… »

Un ménage anglais, sir John Carr et sa femme, qui traversent la Normandie sous le Consulat dans une diligence, « produit de la première enfance de l’art des carrossiers, » sont étonnés de voir les sept petits chevaux, qui la traînent, trotter en faisant six à sept milles à l’heure. Le postillon monté sur le « porteur » de gauche, ayant à sa droite un limonier et un cheval « en galère » et guidant les quatre autres attelés par paire, conduit seul tout l’équipage. Son long fouet flexible à la main, un sale bonnet de nuit et un vieux chapeau à cocarde sur la tête, il a les jambes plongées, en guise de bottes, dans de longs tubes rigides de bois et de fer rembourrés à l’intérieur. Sur l’impériale, le conducteur responsable de la sécurité des bagages ; à l’avant ou aux portières galopent, coiffés du casque romain, quelques chasseurs pour tenir les brigands en respect.

Telle demeura sous le premier Empire la diligence chantée par Désaugiers, qui, de la rue Notre-Dame des Victoires, à Paris,

Part pour Mayence,
Bordeaux, Florence
Ou les Pays-Bas…
Adieu mes petits !
Les chevaux hennissent,
Les fouets retentissent,
Les vitres frémissent,
Les voilà partis…

Chaque matin, à cinq heures, ce quartier général des Messageries était témoin de plus d’épisodes émouvans, niais ou gais, que n’en offrent toutes nos gares actuelles. Les adieux des personnes qui se quittaient pour aller à 50 lieues étaient plus