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31 centimes par cheval, plus les « guides » ou salaires des postillons, les frais de traction d’une diligence à six chevaux représentaient 2 fr. 40 centimes par kilomètre. Les huit places d’intérieur étant louées sur le pied de 40 centimes chacune par kilomètre, — soit 3 fr. 20 centimes, — auxquels s’ajoutait le produit des voyageurs d’impériale à 19 centimes et la taxe des bagages, l’ensemble des recettes paraît ménager aux fermiers des messageries un large bénéfice. Il est vrai qu’ils avaient à payer à l’État la redevance annuelle de 2 200 000 francs et que leurs voitures n’étaient pas toujours pleines sur la totalité du parcours.

Les commandans de maréchaussée eurent ordre de faire escorter la diligence dans les forêts, la nuit, par deux cavaliers ; un commis-conducteur, muni d’un « billet d’heure, » que les maîtres de poste étaient tenus de remplir à l’arrivée et au départ de chaque relais, eut pour mission d’assurer une vitesse de 8 kilomètres à l’heure « dans les chemins les plus difficiles. » Des inspecteurs avaient droit de réformer les chevaux incapables qui devaient être remplacés dans les trois semaines. Turgot se proposait de constituer, au moyen du prélèvement d’un sixième des recettes, un fonds d’indemnité pour les pertes de chevaux et de pension pour les employés. Il dut renoncer à imposer cette charge à l’exploitation nouvelle.

Le ministre fut accusé de perdre les auberges de France en multipliant les moyens de voyager rapidement ; bien que sur de grandes lignes, comme celle de Bordeaux, la diligence ait continué jusqu’en 1814 à s’arrêter la nuit pour repartir à 4 heures du matin. Quelques critiques chagrins reprochèrent aux Turgotines leur caisse trop étroite, leur marchepied trop haut et incommode pour les femmes ; néanmoins, les résultats obtenus excitèrent l’admiration des étrangers : les princes de Tour-et-Taxis, concessionnaires renommés des postes allemandes, étaient dépassés. « La diligence en France, » écrivait un Russe, Karamsine, « n’est pas plus chère et est incomparablement meilleure qu’en Allemagne. » Le changement de chevaux ne prend aucun temps, ils attendent tout harnachés devant la porte et souvent les voyageurs n’ont pas le temps de descendre ; « en 50 heures, nous avons parcouru 65 lieues, » allure du reste plutôt modérée.

Pourtant, au dire de l’Allemand Heinrich Storch, « quand