Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/798

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On n’y voit pas le corps-à-corps. Nos Seigneurs sont moins brutalement engagés dans la bataille, ils observent les choses de plus haut, et puis ils ne peuvent oublier, si ardens, si zélés soient-ils, qu’ils demeurent des dignitaires, tenus à la réserve. Dans leur correspondance règne la circonspection. J’y trouve peu de ces traits vivans, pittoresques, tragiques, qui donnent tant de prix aux lettres emportées de nos desservans ruraux. Chaque état a ses vertus, ses obligations. Ce serait bien irréfléchi de réclamer de très hautes et très prudentes personnes l’élan et la spontanéité d’un jeune vicaire. Mais ces lettres un peu froides, volontairement décolorées, où l’on voit la plume des secrétaires d’évêchés et la manière des teinturiers officiels, me fournissent mes plus sûres statistiques.


A ces encouragemens, à ces renseignemens, à ces amitiés, qui de tout le pays m’arrivent, certains témoignages se mêlent, d’une espèce plus tangible.

L’autre après-midi, comme je rentrais chez moi, j’ai trouvé dans mon courrier une enveloppe jaune, du plus humble aspect, de celles qui affluent chez un député pour lui demander un secours, un permis de chemin de fer, une recommandation. Elle n’était pas affranchie ; on l’avait apportée à la main. Tout en montant l’escalier je l’ouvris. Un flot de billets bleus s’en échappa. Je les ramassai et comptai vingt-cinq billets de mille francs. Avec eux, rien d’autre qu’un méchant bout de papier portant ces trois lignes au crayon : « Don anonyme pour les églises de France qui menacent ruine. Accuser réception dans la Correspondance rose Hebdomadaire. »

Mon premier sentiment, je l’avoue, fut l’irritation. D’où me venait cette somme si imprudemment confiée à cette enveloppe-torchon ? Qu’allais-je en faire ? Quelle était cette Correspondance rose ?

Je n’ai jamais pu connaître mon généreux donateur. Après quelques jours passés à découvrir la mystérieuse feuille rose dont parlait le billet anonyme, j’allai remettre la somme au Comité de Défense catholique présidé par le colonel Keller.


De tous côtés, cette idée que l’on peut trouver de l’argent pour les églises, qu’il y a des mécènes dans l’ombre du vieux porche, entre l’’aveugle et le manchot, agite les esprits. Continuellement