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on voit réapparaître çà et là, chez beaucoup d’êtres, je ne dis pas chez tous, la magie, la sorcellerie, les aberrations théosophiques, le charlatanisme des spirites... (Nouvelles protestations à gauche.)

Il est intéressant de chercher à comprendre les divers étages du sentiment religieux dans la population française. Je puis vous citer tel village du Midi, dans la partie de l’arrondissement d’Agen qui confine au Tarn-et-Garonne, où l’on place dans le cercueil les souliers du mort et de l’argent, les souliers pour qu’il puisse aller au bout de son voyage, l’argent pour qu’il soit à même de donner une satisfaction à la divinité infernale. (Mouvemens divers.)

Je vous cite ce menu détail, qui fait image, pour vous montrer à quel point, sous une épaisseur plus ou moins forte de christianisme, demeurent d’obscures survivances du paganisme, toute une barbarie prête à remonter à la surface, des débris du passé, des détritus de religion, auxquels la civilisation n’a aucun intérêt à laisser la place libre.

L’église du village assainit le sol au milieu duquel elle est plantée. (Exclamations à l’extrême gauche. — Applaudissemens au centre et à droite.) Ceux qui veulent la jeter bas croient, je suppose, qu’ils vont élever les paysans à un état supérieur, à une spiritualité plus haute, mieux épurée. J’appelle leur attention sur ce point très important ; s’ils examinent l’état des choses avec soin, ils verront leur erreur. C’est une régression qu’ils préparent. (Très bien ! Très bien ! au centre.) Oui, messieurs, l’église plantée sur la place du village assainissait le sol. Autour d’elle la plante humaine se développait dans un air de civilisation. Si vous la jetez bas, aussitôt il semble que les exhalaisons malsaines qu’elle avait étouffées s’élèvent de nouveau. (Applaudissemens au centre et à droite.)

Je ne veux d’autre preuve de cette barbarie toute prête à réapparaître que les scènes scandaleuses qui se sont passées à Grisy-Suisnes sur les décombres de la vieille église.

La démolition de cet édifice avait rendu nécessaire l’exhumation des morts que la piété des fidèles y avait déposés. Le maire, qui avait voulu cette destruction, aurait dû se préoccuper que cette besogne s’exécutât avec respect et décence. Il la surveilla, en effet, flanqué de son garde champêtre (Sourires), mais c’était qu’il espérait que la pioche des ouvriers mettrait au