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comte Berchtold affirme, au début de son exposé, que la politique austro-hongroise a pleinement atteint le but qu’elle s’était proposé et qui n’était autre que de garantir les « intérêts spéciaux » de l’Autriche, intérêts qui peuvent, dit-il, « se résumer dans la création d’une Albanie autonome, dans l’empêchement d’un déplacement de forces dans l’Adriatique et dans la création de conditions de stabilité dans la péninsule balkanique par des moyens autant que possible pacifiques : et c’est pourquoi, ajoute-t-il, il nous était impossible d’accepter la formule de désintéressement qui nous a été proposée. » C’est la France qui avait proposé cette formule et nous n’avons pas été étonné, pour notre compte, que l’Autriche ne l’ait pas admise au début des événemens, à un moment où il était impossible de savoir comment ils se développeraient ; mais était-il bien nécessaire de rappeler aujourd’hui cet incident déjà ancien et qui n’a pas eu d’importance ultérieure ? Le comte Berchtold affirme aussi qu’il a voulu le maintien de la paix « autant que possible, » ce qui donne à entendre qu’il était prêt à user d’autres moyens, si cela était nécessaire, et en effet il a mobilisé et armé. Cette mobilisation et ces arméniens étaient faits, d’après ses explications, pour servir de contrepoids à ceux de la Russie : l’accord s’étant fait rapidement entre les deux pays, l’Autriche a pu démobiliser. De tout cela il résulte que satisfaction a été donnée à l’Autriche sur tous les points, et en somme, rien n’est plus exact ; le comte Berchtold, qui en tire avantage, a le droit de le faire ; et pourtant, il n’est qu’à moitié content, et il semble bien que l’opinion, en Autriche, le soit encore beaucoup moins que lui.

À cela nous ne pouvons rien et nous ne sommes pour rien : pourquoi le comte Berchtold montre-t-il donc un peu de mauvaise humeur contre nous ? Après avoir énuméré toutes les autres Puissances et s’être exprimé en termes confians et obligeans sur les rapports de l’Autriche avec chacune d’elles, il s’est contenté de dire : « Comme vous le savez, il n’y a pas d’intérêts appréciables qui nous séparent de la France. Si de temps en temps des voix peu amicales pour nous se font entendre de ce côté, on ne peut guère en trouver l’explication. Heureusement, nous n’avons pas lieu de croire que ces manifestations reflètent l’opinion des sphères compétentes. » C’est peu. Quelques orateurs hongrois en ont eu l’impression, et le comte Andrassy en particulier a tenu à affirmer, ce dont nous le remercions, que la politique française avait grandement contribué au maintien de la paix. Quant aux journaux, n’étant pas retenus par le sentiment de la responsabilité, ils se livrent parfois d’une manière inconsidérée aux impressions du moment ; mais