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connaître, combien il tient à se renfermer en lui-même et à faire respecter la liberté et la discrétion de son foyer ? Et nous irions imposer à cet homme des moyens d’évaluation qui iraient à l’encontre de ses habitudes et de ses intérêts, de son tempérament et de son caractère ? Ce serait là un défi mortel pour la République elle-même. Industriels et commerçans qui m’écoutez, vous êtes disposés à faire les sacrifices nécessaires. Vous avez tous le sentiment que l’impôt sur le revenu aura le résultat essentiel de vous faire échapper à toutes les hésitations, à toutes les incertitudes qui, d’un budget à l’autre, pèsent sur vous. Le ministre des Finances, lui aussi, échappera à ces incertitudes pénibles de chaque année. Vous saurez désormais en présence de quel impôt vous êtes, et je ne suis pas le premier chef de gouvernement à dire que cette réforme ne sera possible, c’est-à-dire viable, et qu’elle ne passera de la réalité des projets dans la vie économique du pays, qu’à la condition de respecter vos livres, votre foyer, votre comptabilité, le secret de votre fortune et de votre travail. » Il est bien naturel que M. le président du Conseil ait été applaudi par les hommes pratiques qui l’écoutaient ; il a tracé le portrait idéal de l’impôt sur le revenu ; mais nous nous demandons comment il en accordera tous les traits avec « les principes et les clauses essentielles du projet voté par la Chambre » qu’il a annoncé aussi « la volonté de respecter. » Une telle réussite est difficile. Quoi qu’il en soit, M. le président du Conseil a tenu, dans l’ensemble de son discours, le langage d’un homme de gouvernement et, comme lui, nous sommes impatient qu’il le fasse entendre à la Chambre.

Mais l’écoutera-t-elle ? On peut être assuré que, si le gouvernement n’a pas été interpellé jusqu’ici, il ne perdra rien pour attendre. Ce silence est précurseur de l’orage : il signifie seulement que les coups qu’on prépare sont par avance très calculés et médités. M. Barthou a montré qu’il était homme à soutenir le combat, mais il aura besoin de toutes ses vertus défensives pour se tirer d’une situation qui est certainement une des plus compliquées que nous ayons vues. Après un défilé dangereux, il en trouvera un autre, et après le second, un troisième. Et ce sont ceux mêmes qui ont mis le pays dans la situation où il est et l’ont acculé à la nécessité de pourvoir à 1 800 millions de dépenses nouvelles, qui aujourd’hui mènent la campagne contre le gouvernement. Celui-ci fait de son mieux, et il faut souhaiter qu’il dure, car par qui serait-il remplacé ?

Nous annoncions, il y a quinze jours, que le traité de paix entre la