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qu’il a prononcé au banquet Mascuraud. On sait ce qu’est ce banquet. Nous le flatterions au delà de toute mesure en le comparant au banquet du Lord Maire à Londres, mais enfin il sert un peu au même objet, puisque tous les présidens du Conseil ne croient pas pouvoir se dispenser de s’y rendre tous les ans et d’y parler politique. C’est ce qu’a fait M. Barthou. On ne l’interpellait pas ailleurs, on faisait le silence autour de lui, il a rompu ce silence au banquet Mascuraud. Nous ne le suivrons pas à travers tous les sujets qu’il a traités : mais la partie de son discours qui se rapporte à l’emprunt et à l’impôt sur le revenu mérite une mention spéciale. De l’emprunt, il a dit à peu près ce que nous venons d’en dire nous-même, à savoir qu’il ne peut pas attendre et qu’il importe de savoir tout de suite ce que la Chambre doit en décider. Il suffit qu’un emprunt soit annoncé pour que les capitaux s’immobilisent afin d’y pourvoir, d’en profiter, si l’on veut : s’il se fait attendre, s’il ne vient pas, l’immobilisation des capitaux ne saurait se prolonger sans inconvénient pour les affaires et l’emprunt tardif risque alors de s’opérer dans de plus mauvaises conditions. Un enfant comprendrait cela. Mais c’est surtout au sujet de l’impôt sur le revenu que M. Barthou a prononcé des paroles significatives. Si cet impôt était voté par le Sénat tel qu’il l’a été par la Chambre, ce serait un désastre public ; il ne le sera sûrement pas sans modifications profondes ; il s’en faut toutefois de beaucoup que celui dont le Sénat poursuit la préparation paraisse rassurant ; le commerce s’en inquiète, non sans motif, et M. le président du Conseil a profité de l’occasion qu’il avait de parler à un auditoire composé surtout de commerçans, d’hommes d’affaires, pour leur donner des assurances propres à calmer leurs inquiétudes. S’il y a réussi, nous l’en félicitons : il est toutefois probable que plus d’un de ses auditeurs, tout en l’applaudissant à tout rompre, tendait l’oreille du côté du Sénat. Les paroles de M. Barthou sont trop importantes pour que nous ne les citions pas in extenso. Après avoir rappelé les engagemens pris au sujet de l’impôt sur le revenu : « Nous voulons, a-t-il dit, que cette réforme ne soit pas une aventure et qu’elle ne risque pas de provoquer une véritable révolution dans le pays ; nous avons la volonté de faire en sorte qu’elle s’accorde avec ce qu’on a appelé les habitudes et les préjugés, mais aussi avec ce que nous considérons comme des droits légitimes et imprescriptibles. Est-ce qu’il se trouverait un homme pour aller demander à un paysan le secret de sa fortune et de ses entreprises, quand nous savons avec quel esprit d’économie il ramasse péniblement ses ressources ; quand nous savons, pour le bien