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parce qu’il voulait bien s’y prêter, qu’on lui présentait un budget en équilibre, alors que cet équilibre était obtenu par les expédiens les plus artificiels. Mais tout s’use et les fictions les plus adroites n’ont qu’un temps, surtout dans le domaine des Finances qui est par excellence celui des réalités. Ce qu’il y avait de plus pénible, de plus douloureux, c’est que, en dépit d’une situation que tout le monde connaissait, l’habitude en était si bien prise que le gaspillage continuait : ne continue-t-il pas encore aujourd’hui ? La France semblait assez riche pour payer toutes les lubies, toutes les folies qui venaient à l’esprit de réformateurs friands de popularité. La politique radicale-socialiste, qui nous régit depuis une quinzaine d’années, a été la plus dépensière qu’il y ait jamais eu. Le moment devait venir, et il est enfin venu, où elle produirait ses conséquences. Nous nous trouvons en présence d’un déficit qui est trop gros pour qu’on puisse le masquer encore : on est obligé d’avouer. Il est de 800 millions : de plus une somme de 900 millions est indispensable à des dépenses militaires qui ne doivent pas se renouveler. Au total, toutes les additions faites, c’est 1 700 millions qu’il faut trouver. Évidemment, on ne peut pas demander la somme tout entière, ni même la plus grande partie, à l’impôt ; aucun budget ne tiendrait devant un pareil accroissement de charges et d’ailleurs rien ne serait plus injuste, ni moins conforme aux principes que d’opérer ainsi. Les ressources ordinaires du budget ne doivent faire face qu’aux dépenses ordinaires, c’est-à-dire à celles qui ont un caractère permanent et se renouvellent d’année en année ; les autres, celles qui sont faites une fois pour toutes, qui ne se renouvellent pas nécessairement et qui profitent à l’avenir tout autant, sinon plus qu’au présent, doivent être fournies par l’emprunt. Notre matériel militaire a besoin aujourd’hui d’être complété ou renouvelé ; de ce chef, 900 millions sont nécessaires ; nul ne peut sérieusement contester qu’il y a lieu de les emprunter. Mais le reste ? Le reste, nous venons de le dire, s’élève à 800 millions qui peuvent être réduits à 700 par des moyens de nature exceptionnelle : le gouvernement propose de mettre 400 de ces millions au compte de l’emprunt et d’en demander 300 à l’impôt.

C’est ici que des contestations se sont élevées dans la Commission du budget. Les 400 millions que le gouvernement demande à l’emprunt représentent ce qui a été dépensé au Maroc : sont-ce là des dépenses exceptionnelles, qui ne sont pas destinées à se renouveler ? Qui oserait le soutenir ? Tout ce qu’on peut dire, c’est que ces dépenses profiteront à l’avenir plus qu’au présent. La génération actuelle bénéficiera