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issu des vœux contenus dans les cahiers des États généraux et des difficultés qu’entraînaient dans les transactions commerciales la complication des anciennes mesures françaises et leur diversité d’une province à l’autre, qui rendait par exemple extrêmement difficile le transport des blés. Il heurtait d’ailleurs, comme tout progrès quel qu’il soit, tant d’habitudes et d’intérêts respectables, mais opposés à l’intérêt général tant de routines aussi, qu’il ne pouvait jaillir que d’une grande secousse sociale comme ces gemmes éclatantes et ces pierres précieuses enfouies au fond du sol et qu’un tremblement de terre met soudain à nu.

On ignore en général ce détail que c’est un projet d’unification des mesures françaises présenté à l’Assemblée constituante par Talleyrand qui déclancha tout le mouvement dont est sorti le système métrique. Talleyrand avait proposé d’abord de prendre pour unité de longueur celle du pendule battant la seconde. Mais, outre que cette unité reposait sur l’adoption d’une autre tout à fait arbitraire, la seconde de temps, elle avait l’inconvénient de faire intervenir aussi l’intensité de la pesanteur qui n’est pas la même au pôle et à l’équateur et modifie suivant la latitude la longueur du pendule à seconde. La Commission nommée par l’Académie des Sciences, soucieuse de mettre à la base du système une unité de mesure qui n’eût rien de local, de national même, ni de contingent, fit adopter comme unité de longueur et sous le nom de mètre la dix-millionième partie du quart du méridien terrestre.

De cette unité toutes les autres dérivaient immédiatement, comme on sait, et notamment l’unité de capacité (décimètre cube ou litre) et l’unité de masse ou, comme on dit couramment et incorrectement, de poids (poids d’un décimètre cube d’eau à son maximum de densité). La première détermination à faire consistait donc à mesurer aussi exactement que possible et par les procédés astronomiques et géodésiques la longueur d’un arc de méridien terrestre. La seconde à peser exactement un litre d’eau. Malgré la hâte dans laquelle on fit ces opérations, malgré l’atmosphère orageuse et sanglante qui les enfiévrait, on est saisi d’étonnement devant la précision avec laquelle les Lavoisier, les Laplace, les Delambre, les Haüy, les Coulomb, les Lagrange et tant d’autres, ont déterminé les étalons prototypes du mètre et du kilogramme. Les mesures les plus récentes ont montré en effet que leur étalon du mètre, — conservé aujourd’hui aux Archives Nationales et dont les divers pays ont aujourd’hui des copies en platine iridié faites d’après la copie fondamentale déposée au Pavillon de Breteuil, — diffère à peine d’un cinquième de millimètre de la dix-millionième partie du quart du méridien terrestre. Quant au kilogramme de la