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militaire ! » Mais sa remarque se perdit dans le bruit des complimens sur l’adresse de Merton, et des railleries sur la déconvenue du guerrier de l’Oued Zem qui semblait plus réjouissante encore que celle des Bou-Achéria.

Cette capture audacieuse porta le coup de grâce à leur entêtement. Ils comprirent qu’ils devaient se soumettre sans délai pour éviter la ruine complète. Le caïd des Aït-Raho, qui flairait l’invasion prochaine du pays zaïan, leur servit d’intermédiaire, afin de se ménager pour plus tard les bonnes grâces des Français. Imbert ne regrettait plus l’occasion manquée à Camp-Marchand ; il accueillit avec une générosité courtoise les fameux Fokras qui n’avaient pu échapper à leur destin. L’événement, inattendu à Rabat, y causait une surprise joyeuse, car il consacrait la soumission des Zaër. Afin de donner plus de solennité à la capitulation de leurs anciens chefs de guerre, le commandant du Cercle vint signifier lui-même aux Bou-Acheria les dures conditions de l’aman que le Résident général leur accordait.

Pendant une semaine, Sidi-Kaddour fut animé par le va-et-vient des émissaires, des cliens, des amis fidèles dans le malheur, qui préparaient le retour définitif des trois frères vaincus. Leurs 80 serviteurs, leurs femmes, leurs chevaux et leurs bêtes de charge leur formaient un cortège qui évoquait le souvenir des patriarches bibliques. Telle était leur lassitude qu’ils acceptèrent sans se plaindre leur relégation aux environs d’Azemmour. Ils n’avaient donc fait que changer d’exil. Sous l’escorte de goumiers déférens, que commandait un officier, ils partirent enfin par petites étapes, heureux peut-être de s’éloigner du pays dont leurs efforts opiniâtres n’avaient pu chasser les Français.

Désormais, rien ne retenait plus Pointis à Sidi-Kaddour. Le secteur reprenait promptement son aspect d’avant l’alerte. Imbert avait tenu ses promesses. En deux mois, il avait fait défiler sous les yeux de son ami les spectacles les plus variés de la pacification marocaine. Riche d’informations, de documens et de souvenirs, Pointis pouvait quitter ce poste où il avait vécu d’inoubliables momens. Il savait maintenant que dans les profondeurs du bled siba, comme sur les théâtres diplomatiques les plus vastes, la « politique active et fière » préconisée jadis en Indochine par le gouverneur-général Doumer est bien celle qui convient au tempérament de notre race et qui donne les résultats