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désintéressés de l’avenir ; d’un côté, tous ceux qui, par intérêt, par peur ou par sottise, sont attachés à l’absurde idéal théologique ; de l’autre, tous ceux qui, affranchis des vieilles servitudes, ne croient qu’à la Raison, à la Science, à la Solidarité humaine. Ceci tuera cela, et ceci doit tuer cela. Pas de quartier à l’obscurantisme ! « Citoyens, il faut finir ce que vous avez commencé, il faut achever la déconfiture des moines[1]. » Cela fait, une ère de progrès, de lumière, de joie, de concorde luira enfin pour l’humanité. Plus de guerres, plus de contrainte, plus de frontières, plus de misères sociales ; l’union féconde de tous les travailleurs fera régner la paix universelle. Et voilà le nouvel Évangile.


Citoyennes et citoyens,... c’est parce que les découvertes des grandes lois physiques qui régissent les mondes ont été lentes, tardives, longtemps renfermées dans un petit nombre d’intelligences, qu’une morale barbare, fondée sur une fausse interprétation des phénomènes de la nature, a pu s’imposer à la masse des hommes et les soumettre à des pratiques imbéciles et cruelles.

Croyez-vous, par exemple, citoyens, que si les savans avaient connu plus tôt la vraie situation du globe terrestre... il eût été possible d’effrayer les hommes en leur faisant croire qu’il y a sous terre un enfer et des diables ? C’est la science qui nous affranchit de ces grossières imaginations et de ces vaines terreurs que certes vous avez rejetées loin de vous. Et ne voyez-vous pas que de l’étude de la nature vous tirerez une foule de conséquences morales qui rendront votre pensée plus assurée et plus tranquille ?... N’écoutons pas les prêtres qui enseignent que la souffrance est excellente. C’est la joie qui est bonne... A. vous citoyens, à vous travailleurs, de hausser vos esprits et vos cœurs, et de vous rendre capables, par l’étude et la réflexion, de préparer l’avenir de la justice sociale et de la paix universelle[2]...


Et dire que, parmi ces « citoyennes et citoyens, » il ne s’est levé personne pour leur crier qu’on les trompait ; que notre science n’est qu’incertitude ; qu’elle n’est d’ailleurs accessible qu’aux rares privilégiés de l’intelligence ; que, fût-elle complète et, comme ils disent, » intégrale, » étant d’un autre ordre, elle ne peut contredire les enseignemens des antiques disciplines ; que, n’étant capable de supprimer ni la douleur, ni la mort, et qu’étant impuissante à fonder une morale, elle n’assure ni le bonheur, ni la paix de l’esprit, ni la tranquillité du cœur ; et

  1. Vers les temps meilleurs, t. I, p. 79.
  2. Id. ibid. p. 18-22.