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tiré de la collaboration de l’Europe tout ce qu’elles pouvaient en espérer, sont résolues à s’en passer désormais et à agir séparément. Si cela est, qu’on le dise. Nous ne savons pas si les gouvernemens autrichien et italien le disent en effet, mais leurs journaux ne s’en cachent pas. Ils annoncent que la Conférence des ambassadeurs a fini sa tâche et que l’Autriche et l’Italie jugent inopportun de s’y faire représenter à l’avenir. S’il en est ainsi, l’Autriche et l’Italie auront rompu le concert de l’Europe. Dorénavant, la Triple Alliance agira de son côté, et la Triple Entente de l’autre, au mieux de leurs intérêts qui ne sont pas les mêmes. Nous ne savons ce qui en résultera, mais nous serions surpris si la paix générale trouvait dans cette manière de procéder de plus solides garanties que dans la précédente.

Est-il vrai d’ailleurs que la Conférence des ambassadeurs ait résolu toutes les questions que la crise orientale a soulevées ? On peut le dire dans l’intérêt d’une politique nouvelle ; mais qui le croira ? Si l’équilibre des Balkans est consacré par le texte des traités, il est fort loin d’être assuré. La paix n’est pas encore faite entre la Turquie et la Grèce ; il est vrai qu’une dépêche vient tous les quatre ou cinq jours de Constantinople pour assurer que les dernières difficultés sont résolues et que l’accord, final est sur le point de se conclure ; mais il ne se conclut pas, et le danger subsiste. Nous apprenons, au moment même de mettre sous presse, que le traité vient enfin d’être « paraphé » entre les négociateurs, et nous nous en réjouissons, mais on ajoute que le texte en est soumis à la Porte, et nous attendons. L’accord militaire de la Bulgarie et de la Porte ne fait doute pour personne, et le général Savof reste à Constantinople, alors que sa présence serait si utile dans son pays pour y réorganiser l’armée. Que fait-il à Constantinople ? Et que fait le roi Ferdinand à Vienne où il est depuis quelques jours et où il n’est probablement pas allé seulement pour se reposer ? En réalité, rien n’est plus instable que la situation balkanique ; tout peut y arriver d’un moment à l’autre ; jamais la vigilance de l’Europe n’y a été plus indispensable. Mais, à supposer que toutes les questions purement balkaniques aient été réglées pour toujours, il y en a d’autres qui ne le sont pas, et dont l’Europe a pris la charge. La plus délicate de toutes est la question des îles : est-elle résolue ? L’Italie peut affecter de le croire, mais le croit-elle vraiment ? A-t-elle oublié les déclarations formelles de sir Edward Grey à ce sujet ? Si l’Europe se divise en deux camps séparés, et, si chacun agit pour son compte, qui empêchera celui-ci ou celui-là de fixer à son tour des délais et de veiller à ce qu’ils soient respectés ? A quoi bon insister davantage ? La politique