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proposé d’y appliquer. Elle s’est trompée, le gouvernement s’est trompé lui aussi, une grande partie du monde politique s’est trompée avec eux. La réforme est plus populaire, plus désirée, plus fortement voulue qu’ils ne le pensaient. On peut assurer aujourd’hui de deux choses l’une : ou la réforme sera faite avant les élections prochaines, et ce serait incontestablement la solution la meilleure ; ou son échec donnera naissance à une agitation électorale qui ne sera pas sans danger. Les adversaires de la réforme ont affecté de lever les épaules devant un vote qui n’aura, d’après eux, d’autre résultat que de faire perdre du temps à la Chambre et au Sénat : il est possible que la Chambre et le Sénat perdent leur temps, mais le pays écoute, et ce qui est perdu pour le parlement ne le sera pas pour lui.

Nous avons dit un mot de la situation financière ; on ne saurait trop s’en préoccuper. En chiffres ronds, nos dépenses, qui étaient de quatre milliards au début de la législature actuelle, ont augmenté pendant cette législature de plus d’un milliard : elles s’élèvent maintenant à 5 milliards 187 millions. Jamais, en aussi peu de temps, les dépenses d’un pays n’avaient subi un aussi prodigieux accroissement, et ce phénomène prodigieux se produit en pleine paix, sans qu’aucune catastrophe soit venue troubler une prospérité qui n’avait jamais été plus grande. Sans doute, dira-t-on ; mais à côté de la situation intérieure, il y a la situation extérieure, et c’est cette dernière qui nous a obligés à faire des dépenses sans précédens. Cela est-il vrai ? Prenons le budget de 1914, tel que le projet vient d’en être déposé par M. le ministre des Finances : l’écart entre les dépenses et les recettes, le déficit y est de 800 millions ; l’augmentation de dépenses occasionnée par la loi de trois ans n’y figure que pour 170. C’est un gros chiffre sans doute, mais il reste à expliquer les 600 et quelques millions de dépenses dont quelques-uns se rapportent, il est vrai, à la défense nationale, mais ne sont pas la conséquence de la récente loi. D’où viennent-ils ? Ils viennent de la politique de folle prodigalité que nous n’avons pas cessé de suivre depuis l’inauguration du régime radical, c’est-à-dire depuis quinze ans. Le jour devait venir où il faudrait payer ; il est venu ; où trouver les ressources nécessaires ? Les socialistes ont su ce qu’ils faisaient en nous poussant à ces dépenses : ils se réservaient, en présence d’un déficit qui devait troubler les esprits, de proposer et d’imposer la panacée dont ils sont dépositaires et dont l’impôt progressif sur le revenu, sur le capital, sur l’accroissement de l’un et de l’autre, est la partie maîtresse. Les voilà au moment de tenter le grand effort ! Il faut ici rendre au gouvernement la