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pas très loin de. rappeler le : Chantons victoire ! de Judas Macchabée. La phrase, par momens, a même carrure et même vigueur. Mais çà et là, des traits brillans, emportés, en notes égales ou pointées, en gammes montantes ou descendantes, sillonnent la mélodie, en font une espèce de vocero et lui donnent une verve, une fantaisie ailée, j’allais dire un panache, que ne se permettront pas d’arborer les strophes, plus régulières et plus classiques, de Frédéric Haendel.

Encore quelques mesures de chœur. Le calme, la sérénité s’est rétablie. Avec suavité, les voix chantent les paroles de l’Écriture : « Comme le cerf altéré soupire après l’eau des fontaines. » Un thème, exposé déjà précédemment, un thème de l’Ame, inquiète alors, reparaît, mais avec un accent différent, apaisé. L’effet de ce rappel, inconscient ou volontaire, est délicieux. Les sonorités semblent se dégrader et pâlir. Deux ou trois arpèges, les premiers qu’on ait encore entendus, enveloppent de quelques triolets montans les notes finales. Elles s’efforcent elles-mêmes de s’élever, puis elles retombent doucement, s’éteignent et meurent. Quant aux toutes dernières pages (un chœur de fête et un épilogue d’orchestre), elles ne comptent guère. Elles servent seulement de conclusion matérielle à l’ouvrage. Celui-ci, par l’esprit et le sentiment, s’achèverait mieux où nous venons de le laisser.


Qui nous vins d’Italie et qui lui vint des cieux,


a dit Alfred de Musset de la musique, ou plutôt à la musique. Si la célèbre apostrophe ne renferme pas la vérité tout entière, elle en contient au moins une part. Il est digne et il est juste, il est équitable et salutaire, de rappeler quelquefois les titres immortels de l’Italie, surtout de la vieille Italie, à l’admiration et à la piété des musiciens. L’hiver dernier, dans un petit théâtre parisien qui ne porte pas mal un grand nom, le « Théâtre des Arts, » celui-là même dont le directeur, M. Rouché, vient d’être appelé à de plus hautes fonctions, les représentations du Couronnement de Poppée, de Monteverde, ont montré quel maître fut, il y a trois siècles, un des maîtres de l’opéra naissant. Dans l’ordre du drame religieux, sous les auspices et par les soins de l’éminent maître de chapelle de Lorette, l’exécution d’Anima e Corpo nous promettait, plus austère seulement, un témoignage pareil, une aussi profitable leçon. Il est dommage qu’elle ne nous ait pas. été donnée. Rome l’a, par deux fois, entendue et applaudie. Quelque jeune pensionnaire de la villa Médicis y assistait peut-être et peut-être en aura profité. Il aura compris que Rome a quelque chose à apprendre aux musiciens eux-mêmes, trop souvent étonnés qu’on