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Mme Joubert, qui souhaitait passionnément de ramener son fils au bercail et qui pleurait son mari, se rappela que Jean Joubert avait eu l’ambition de voir Joseph Joubert magistrat : et ainsi tout allait s’arranger selon les vœux anciens et récens, au gré des souvenirs et des espérances.

Joseph Joubert était éligible. « Il faut, avait dit Thouret, que tout homme de bien, pour peu qu’il ait d’expérience et d’usage, puisse être juge de paix. » Et l’on avait eu soin de n’imposer aux candidats nulles conditions difficiles. On ne leur demandait pas d’être hommes de lois : ils jugeraient en équité, ce qui réclame du bon sens, et non des études. Ils auraient trente ans accomplis. Peut-être, au moment de leur candidature, ne seraient-ils pas domiciliés dans le canton, ni même dans le district ; mais, élus, ils résideraient assidûment parmi leurs ouailles quelquefois enragées. Ils devaient seulement payer les contributions qui étaient requises de tout candidat aux fonctions administratives : quant à son fils, Mme Joubert y pourvoirait.

Un juge de paix, disait la loi, par canton ; et, dans chaque ville de deux mille habitans au moins, un juge de paix particulier. Bref, Montignac aurait son juge de paix particulier : ne serait-ce pas Joseph Joubert ?...


L’élection ne se fit pas sans de grandes difficultés’ ; et le redit montre à merveille le trouble que jeta dans les petites villes, assez tranquilles jusque-là, l’invasion de la politique. Sans doute fut-ce un peu, dans toute la France, la même agitation, plus ou moins vive, qu’à Montignac. Dans la région périgourdine, en tout cas, les incidens furent nombreux. A La Cassaigne, l’élection du juge de paix est annulée par le Département : des citoyens qui n’avaient pas droit au suffrage ne s’étaient pas abstenus de voter ; puis on avait omis de faire prêter aux électeurs le serment patriotique. De nouvelles opérations furent ordonnées ; et, cette fois, le Département fit ces recommandations : « Vous inviterez vos citoyens à porter à cette opération toute la gravité et le sang-froid que son importance exige[1]. » A Thenon, de même, il fallut recommencer le scrutin ; et à Rouffignac, où d’abord on trouva plus de bulletins qu’il n’y

  1. Archives de la Dordogne, L. 570.