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il viendra néanmoins de la campagne, où il vit toujours, pour la prise d’habit de Catherine, ainsi que le prince de Broglie et Augustin Cochin qui m’ont accompagné aussi à Malines. J’espère que vous avez bien lu et apprécié leurs discours si spirituels et si intéressans, dans le Correspondant, si toutefois vous recevez le Correspondant comme je vous y exhorte beaucoup, car à côté d’articles qui vous ennuieront, vous y trouverez toujours des travaux utiles et instructifs pour vous et les vôtres. Adieu, très chère, priez pour moi, qui suis, dans toute la vérité des termes,

Votre dévoué, et votre obligé.


La Roche-en-Breny, ce 23 janvier 1864.

Très chère Comtesse, ces grands froids que nous venons de traverser et qui ont été, ce me semble, plus sévères à Vienne que partout ailleurs, m’ont fait beaucoup pensera vous et d’ailleurs, je vous le dis sans phrase, il ne se passe pas de jours où je ne pense à vous, et souvent, et beaucoup ; car vous avez laissé une trace durable dans mon cœur et dans ma vie. Pourquoi alors, me direz-vous peut-être, avez-vous tant tardé à me répondre ? Hélas ! chère Comtesse, parce que j’étais trop triste, et parce que je crains de vous ennuyer par mes perpétuelles lamentations. La vieillesse larmoyante est ce qu’il y a au monde de plus fastidieux : je l’ai souvent éprouvé, et maintenant je suis condamné à produire cette impression sur les autres. Je ne m’en accuse pas moins d’avoir trop attendu pour vous remercier de votre longue, touchante et affectueuse lettre du 8 décembre. Elle m’a été fort douce ; elle m’a non seulement intéressé, mais consolé ! et j’ai tant besoin de consolations ! Voici donc trois mois que nous sommes revenus ici après la terrible cérémonie du 26 octobre. Je dis terrible, car j’étais loin, bien loin de me figurer ce que j’ai eu à souffrir en ce jour fatal où j’ai vu cette fille charmante consommer son sacrifice. Jamais, jamais je ne l’avais vue si belle, si attrayante, si éblouissante que dans sa toilette de mariée : elle avait elle-même conscience de l’effet qu’elle faisait sur chacun, et elle disait avec cette gaieté un peu ironique que vous lui connaissez : « Je suis bien aise de pouvoir donner à Dieu autre chose qu’un reste. » Et quel contraste, quand, après le discours si touchant du cher évêque d’Orléans, entrecoupé de ses propres sanglots, elle a été se dépouiller